L’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, demande aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir son procès à Abidjan. Au cours d’une audience tenue vendredi 25 septembre et destinée à régler les derniers détails logistiques et juridiques avant l’ouverture du procès le 10 novembre, ses avocats ont plaidé pour un procès en Afrique.
« Nous avons une responsabilité vis-à-vis des Ivoiriens, a affirmé maître Emmanuel Altit. Vis-à-vis des buts que la Cour pénale internationale a proclamés. » Accusé de crimes contre l’humanité commis en 2010 et 2011 en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son coaccusé, Charles Blé Goudé, seront jugés à 6 000 km des sites de crimes et des victimes.« Il s’agit de l’avenir de la Cour », estiment les avocats
Dès les premiers procès en 2009, la Cour avait envisagé de raccourcir la distance et tenir des audiences sur le continent africain, mais sans jamais franchir le pas, butant régulièrement sur des craintes sécuritaires et le coût financier de telles opérations. Envisageant un temps d’ouvrir le procès du milicien Bosco Ntaganda à Bunia, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), elle avait ainsi évalué trois jours d’audience pour un montant faramineux de 600 000 euros.Que ce soit pour les procès intentés contre des responsables kényans ou congolais, la Cour a toujours fait marche arrière. La demande de Laurent Gbagbo a d’autant moins de chance d’aboutir que selon le greffier de la Cour, rien ne pourrait être « finalisé d’ici le 10 novembre ». Mais pour Maître Altit, « Abidjan est une ville moderne » et le coût doit « être évalué au regard du bénéfice escompté. Il s’agit de l’avenir de la Cour », a-t-il tenté de défendre, rappelant qu’« en Afrique, la Cour suscite une certaine méfiance. Soyons clairs, cette Cour a des problèmes avec les Africains, c’est un moyen de régler ce problème ». Au pire, dit-il, le procès pourrait s’ouvrir à Arusha, en Tanzanie, où siège le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
« Ce n’est pas dans l’intérêt de la justice », répondent les juges
Coaccusé, l’ex leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, ne s’y oppose pas. Il veut simplement « que la vérité jaillisse, que ce soit à La Haye ou en Afrique ». Si les victimes y sont plutôt favorables, elles jugent la proposition « peu réaliste », à 45 jours du début du procès. Coté procureur, c’est un non ferme et définitif. « Ce n’est pas dans l’intérêt de la justice », assure Melissa Pack, il y a « des risques élevés aussi bien sur le plan de la sécurité locale, mais aussi de la sécurité des membres de la Cour ».D’autant que ces audiences se dérouleront peu après le premier tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue le 21 octobre, tient-elle à préciser. « Pas à Abidjan, appuie la substitut, ou pas en présence des accusés », qui pourraient comparaître par vidéoconférence. « Qu’est-ce que la procureure sous-entend ? », bondit maître Altit, que « si le président Gbagbo était là, ça pourrait susciter des troubles ! ». Les juges n’ont pas encore rendu leur décision.