(Le Figaro 01/03/2011)
L'Amérique veut faire chuter Kadhafi et garde ouvertes «toutes les options» pour y parvenir, y compris l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne qui empêcherait le régime d'envoyer ses avions réprimer les populations. Tel est le message qu'a porté lundi la secrétaire d'État Hillary Clinton à la communauté internationale à Genève, dans le but de définir dans l'urgence, avec ses alliés européens, arabes et africains, une stratégie musclée qui permette de protéger la population libyenne de la répression orchestrée par le régime et de porter le coup de grâce à Kadhafi. La veille, elle n'avait pas exclu «toute forme d'aide» à l'opposition libyenne en révolte.
Mouammar Kadhafi recourt à «des mercenaires et des voyous» pour éliminer son propre peuple, a dénoncé Clinton devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, appelant à son départ immédiat. Le dictateur et son entourage «devront rendre compte pour ces agissements», a-t-elle martelé, en référence à la Cour pénale internationale.
Le fait que le Pentagone annonce au même moment qu'il allait «repositionner» certaines forces, aériennes et navales, à proximité de la Libye «pour avoir la flexibilité nécessaire le jour où les décisions seront prises» en dit long sur le coup d'accélérateur que les États-Unis entendent donner sur la crise libyenne, maintenant qu'ils ont mis leurs ressortissants à l'abri. Il ne s'agit pas de se lancer, dès demain, dans une intervention militaire proprement dite, comme s'est empressé de le souligner Washington, excluant «une action militaire impliquant ses navires». Mais tous les moyens à disposition sont passés en revue dans le but d'isoler Kadhafi et de le priver de ses derniers soutiens. «La zone d'exclusion aérienne est une option que nous considérons activement… J'ai consulté nos alliés sur ce sujet», a dit Clinton, évoquant des «mesures supplémentaires» aux sanctions déjà adoptées à l'ONU. Celles-ci comprennent un embargo sur les armes, le gel des avoirs des dirigeants libyens et une interdiction de visas.
La «possibilité» de l'exil
L'Amérique entend coordonner son effort avec les Européens, acteurs clés de l'équation libyenne. L'UE a entériné lundi le régime de sanctions, en ajoutant d'autres. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a indiqué qu'une nouvelle idée en discussion était «de geler tout paiement à la Libye pendant soixante jours» pour stopper «la tuerie».
Clinton n'a pas caché que parallèlement à ces efforts, l'Administration planchait déjà sur l'après-Kadhafi. «Nous prenons activement des contacts avec ceux qui en Libye travaillent à mettre sur pied un gouvernement respectant les droits du peuple libyen», a dit lundi le porte-parole présidentiel, parlant de l'exil de Kadhafi comme «d'une possibilité». Les sénateurs républicain John McCain et démocrate Joseph Lieberman, poussent à armer l'opposition et à instaurer immédiatement une zone d'exclusion aérienne. Mais l'Administration se contente pour l'instant d'en brandir la possibilité théorique, en espérant qu'elle suffira. Les zones d'exclusion aériennes sont souvent impuissantes à influencer le rapport de force de manière déterminante et comportent le risque de se faire aspirer par le conflit au sol. Dans l'esprit des Américains, l'Europe serait en première ligne pour une telle mission en Libye. Un mandat de l'ONU serait en outre indispensable. Or la Chine et la Russie pourraient brandir leur veto.
Par Laure Mandeville
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