(Courrier International 05/01/2011)
Les émissaires de l'Union africaine et de la CEDEAO ont tenté le tout pour le tout le 3 janvier à Abidjan pour faire plier Laurent Gbagbo et le forcer au départ. Le quotidien Le Patriote revient sur cette ultime journée de médiation.
Commencée sur le cours de 16h30, la première rencontre entre les présidents Yayi Boni du Bénin, Ernest Baï Koroma de la Sierra Leone, Pedro Pires du Cap Vert, le Premier ministre Raila Odinga du Kenya et Laurent Gbagbo, a duré un plus d'une heure et demie. Les émissaires africains sont venus dire à Laurent Gbagbo qu'"il n'y a pas de compromis" qui vaille, si ce n'est son départ du pouvoir. Le président Gbagbo, selon des indiscrétions, après avoir accusé le coup, a semblé laisser entrevoir un infléchissement. Il a demandé à ses hôtes de "sérieuses garanties" en vue de ne pas être inquiété et poursuivi après son départ du pouvoir en ce qui concerne les graves violations des droits de l'homme commises au cours de son règne. Mais devant ses invités, il a surtout insisté sur le recomptage des voix et le comité d'évaluation des élections qu'il souhaite voir à Abidjan pour, selon lui, comprendre le conflit qui l'oppose à Alassane Ouattara. Pour lui, c'est un préalable à toute discussion. Les envoyés des organisations africaines ont promis d'étudier la question et de revenir le voir avant de quitter la Côte d'Ivoire.
Les messagers ont ensuite pris le chemin de l'hôtel du Golf pour s'entretenir avec Alassane Ouattara. Ils ont expliqué au vainqueur du second tour de l'élection présidentielle le but de leur mission et les inquiétudes émises par le président sortant. Le président Ouattara a rappelé à ses hôtes qu'il avait déjà donné sa chance à Laurent Gbagbo. Au cours de la rencontre, le Premier ministre Guillaume Soro n'a pas manqué de dénoncer le fait que le mandat de la CEDEAO était dévoyé par les médiateurs. Des propos que n'aurait pas appréciés le président du Cap Vert, Pedro Pires, qui s'est senti visé et qui a aussitôt envisagé de se retirer de la médiation, car, estime-t-il, son pays ayant connu la guerre, il ne souhaite pas que la Côte d'Ivoire vive la même chose. Par conséquent, il se retirerait de toute médiation qui privilégiera toute voie autre que celle du dialogue.
Le Premier ministre kényan Raila Odinga a ensuite proposé une rencontre bilatérale entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Mais ce dernier a décliné l'offre, car pour lui, la médiation de la dernière chance ayant échoué, il est, par conséquent, temps d'utiliser la force légitime pour faire partir le mauvais perdant. "Gbagbo n'a aucune raison de céder", a-t-on entendu dans son camp après le départ des émissaires africains. Les quatre envoyés de la CEDEAO et de l'UA sont ensuite repartis pour le Nigeria. Ils sont attendus aujourd'hui à Abuja par le président en exercice de l'organisation, le président Goodluck Jonathan pour faire leur rapport. Cette ultime médiation n'ayant pas réussi à faire changer Laurent Gbagbo d'avis, la CEDEAO pourrait envoyer ses troupes en Côte d'Ivoire pour le déloger du palais présidentiel par la force.
Les Etats-Unis, par la voix d'un responsable de la Maison blanche, ont annoncé le 3 janvier qu'ils étaient prêts à accueillir le président sortant. "Mais toutes les possibilités risquent de disparaître en raison de ce qui se passe sur le terrain", a-t-il menacé, faisant allusion aux violations graves des droits de l'homme qui ont cours en ce moment. En attendant, la décision de la CEDEAO, les Ivoiriens, déjà assez éprouvés par cette crise qui n'a que trop duré, s'apprêtent à prendre leurs responsabilités pour libérer la Côte d'Ivoire. Les heures à venir risquent de ne pas être de tout repos.
Jean-Claude Coulibaly
Le Patriote
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