mardi 8 janvier 2013

Guinée - Affaire Sofitel: "On comprend que DSK ait préféré clore"

(L'Express 08/01/2013)
Vu des Etats-Unis, que restera-t-il du séisme du 14 mai 2011, à New York? Sur fond d'accord entre Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo, voici l'analyse du journaliste américain John Solomon, auteur d'un livre de contre-enquête.
L'accord à l'amiable entre DSK et Nafissatou Diallo clôture un long psychodrame. Quelle leçon tirez-vous de cette affaire?
L'Amérique a connu beaucoup de procès cirques, mais jamais aucun dossier n'avait révélé à ce point combien la cohabitation est devenue impossible entre le système judiciaire et le nouveau monde des infos vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En clair, pour nourrir le cycle des news, les journalistes ont raconté tout et n'importe quoi. Et ce n'importe quoi a houspillé et perverti une justice conçue, elle, pour avancer avec circonspection. Voilà comment un procureur peu assuré comme Cyrus Vance a été, sous cette pression, tenté d'incriminer trop vite DSK, avant de faire machine arrière avec le même empressement au premier problème avec la victime.
DSK aurait-il pu emporter un procès civil?
Juste après l'abandon des poursuites pénales, ses avocats étaient encore tentés de prendre ce risque. Mais ils ont déclaré forfait, non sans fureur, quand leur client, revenu en France, a commencé à détailler publiquement sa version de l'histoire. Ainsi, quand DSK raconte à son biographe que Nafissatou, après l'avoir vu dans la chambre, s'est retournée pour se diriger vers la porte, il se met dans la gueule du loup. Selon la jurisprudence de notre pays, ce comportement suffit à prouver l'absence de consentement de la femme, élément essentiel du viol!
Les autres affaires de moeurs associées à Dominique Strauss-Kahn auraient-elles pu lui nuire devant un jury de procès civil?
Les règles sur la recevabilité des preuves sont beaucoup plus souples en matière civile. Les précédents pouvaient donc être utilisés. Mais avec habileté. D'ailleurs, même au début des poursuites pénales, les procureurs avaient commencé à établir son profil de délinquant sexuel. Ils avaient remarqué que toutes les femmes qui s'étaient plaintes de son comportement se trouvaient dans une situation de subordination par rapport à lui: sa collaboratrice au FMI, la jeune journaliste venue l'interviewer, la femme de Sarcelles vulnérable et suicidaire, enfin la femme de chambre... Au procès civil, les avocats de Diallo pouvaient utiliser le même schéma pour évoquer l'une des participantes aux soirées libertines de l'affaire du Carlton, soumise à des pratiques sexuelles brutales, qu'elle semblait ne pas approuver...
Dans la même veine, le célèbre avocat Alan Dershowitz a imaginé, lors de l'un de ses cours à Harvard, une plaidoirie qui ridiculisait l'idée même d'une relation sexuelle consentie avec DSK. Pourquoi, par quel charme magique ce sexagénaire ventripotent aurait-il pu susciter systématiquement le désir immédiat et irrépressible de toutes ces jeunes femmes? La question pouvait certainement susciter les questionnements d'un jury populaire du Bronx.
Les théories du complot sont courantes en France. Pensez-vous qu'elles auraient pu avantager DSK devant un tribunal civil?
Certains éléments, comme les vidéos des effusions de joie des agents de sécurité de l'hôtel, étaient détenus par la défense et ont été diffusés à la télévision française. Les avocats nient pourtant avoir envisagé d'utiliser ces élucubrations devant un tribunal. Mais il ne fait aucun doute que les soupçons de complot politique pouvaient servir à réparer l'image de DSK auprès de l'opinion française. Son grand retour semble avoir échoué, alors qu'il doit encore répondre d'accusations de proxénétisme aggravé. On comprend qu'il ait préféré clore une fois pour toutes l'affaire du Sofitel...

Par Philippe Coste, publié le 11/12/2012 à 11:16, mis à jour le 08/01/2013 à 16:46
Scandale DSK, le procès qui aurait dû avoir lieu/Italique, par John Solomon. A paraître le 3 janvier aux éditions de L'Express.

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