(L'Express 08/01/2013)
Vu des Etats-Unis, que restera-t-il du séisme du 14 mai
2011, à New York? Sur fond d'accord entre Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou
Diallo, voici l'analyse du journaliste américain John Solomon, auteur d'un livre
de contre-enquête.
L'accord à l'amiable entre DSK et Nafissatou Diallo
clôture un long psychodrame. Quelle leçon tirez-vous de cette affaire?
L'Amérique a connu beaucoup de procès cirques, mais jamais aucun dossier
n'avait révélé à ce point combien la cohabitation est devenue impossible entre
le système judiciaire et le nouveau monde des infos vingt-quatre heures sur
vingt-quatre. En clair, pour nourrir le cycle des news, les journalistes ont
raconté tout et n'importe quoi. Et ce n'importe quoi a houspillé et perverti une
justice conçue, elle, pour avancer avec circonspection. Voilà comment un
procureur peu assuré comme Cyrus Vance a été, sous cette pression, tenté
d'incriminer trop vite DSK, avant de faire machine arrière avec le même
empressement au premier problème avec la victime.
DSK aurait-il pu
emporter un procès civil?
Juste après l'abandon des poursuites pénales,
ses avocats étaient encore tentés de prendre ce risque. Mais ils ont déclaré
forfait, non sans fureur, quand leur client, revenu en France, a commencé à
détailler publiquement sa version de l'histoire. Ainsi, quand DSK raconte à son
biographe que Nafissatou, après l'avoir vu dans la chambre, s'est retournée pour
se diriger vers la porte, il se met dans la gueule du loup. Selon la
jurisprudence de notre pays, ce comportement suffit à prouver l'absence de
consentement de la femme, élément essentiel du viol!
Les autres affaires
de moeurs associées à Dominique Strauss-Kahn auraient-elles pu lui nuire devant
un jury de procès civil?
Les règles sur la recevabilité des preuves sont
beaucoup plus souples en matière civile. Les précédents pouvaient donc être
utilisés. Mais avec habileté. D'ailleurs, même au début des poursuites pénales,
les procureurs avaient commencé à établir son profil de délinquant sexuel. Ils
avaient remarqué que toutes les femmes qui s'étaient plaintes de son
comportement se trouvaient dans une situation de subordination par rapport à
lui: sa collaboratrice au FMI, la jeune journaliste venue l'interviewer, la
femme de Sarcelles vulnérable et suicidaire, enfin la femme de chambre... Au
procès civil, les avocats de Diallo pouvaient utiliser le même schéma pour
évoquer l'une des participantes aux soirées libertines de l'affaire du Carlton,
soumise à des pratiques sexuelles brutales, qu'elle semblait ne pas approuver...
Dans la même veine, le célèbre avocat Alan Dershowitz a imaginé,
lors de l'un de ses cours à Harvard, une plaidoirie qui ridiculisait l'idée même
d'une relation sexuelle consentie avec DSK. Pourquoi, par quel charme magique ce
sexagénaire ventripotent aurait-il pu susciter systématiquement le désir
immédiat et irrépressible de toutes ces jeunes femmes? La question pouvait
certainement susciter les questionnements d'un jury populaire du Bronx.
Les théories du complot sont courantes en France. Pensez-vous qu'elles
auraient pu avantager DSK devant un tribunal civil?
Certains éléments,
comme les vidéos des effusions de joie des agents de sécurité de l'hôtel,
étaient détenus par la défense et ont été diffusés à la télévision française.
Les avocats nient pourtant avoir envisagé d'utiliser ces élucubrations devant un
tribunal. Mais il ne fait aucun doute que les soupçons de complot politique
pouvaient servir à réparer l'image de DSK auprès de l'opinion française. Son
grand retour semble avoir échoué, alors qu'il doit encore répondre d'accusations
de proxénétisme aggravé. On comprend qu'il ait préféré clore une fois pour
toutes l'affaire du Sofitel...
Par Philippe Coste,
publié le 11/12/2012 à 11:16, mis à jour le 08/01/2013 à
16:46
Scandale DSK, le procès qui aurait dû avoir lieu/Italique, par
John Solomon. A paraître le 3 janvier aux éditions de L'Express.
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