jeudi 13 janvier 2011

Niger: Que s’est-il passé le jour de la mort des Français?

(Paris-Match 13/01/2011)
Yahoo Buzz De nouveaux éléments, issus de l’autopsie des corps des deux Français enlevés vendredi au Niger, et de déclarations du ministre nigérien de l'Intérieur, sèment le doute sur les circonstances dans lesquelles sont morts Antoine de Léocour et Vincent Delory.
Imbroglio dans l’enquête sur la mort d’Antoine de Léocour et Vincent Delory, samedi, à l’issue d'une opération des forces spéciales françaises, en soutien de l'armée nigérienne, visant à les libérer à la frontière avec le Mali. Depuis le week-end dernier, le gouvernement français laissait entendre que les deux Linsellois (Nord), âgés de 25 ans et enlevés vendredi soir à Niamey -où le premier s’apprêtait à se marier avec une Nigérienne-, avaient très certainement été abattus par leurs ravisseurs, ces derniers étant presque sans aucun doute des hommes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. «C'est quasiment sûr que c'était Aqmi», s’est avancé lundi le Premier ministre lors de ses vœux à la presse. «Les preneurs d'otages, lorsqu'ils se sont vus poursuivis, ont éliminés froidement les otages selon les premiers éléments dont je dispose», avait ajouté François Fillon. Mais les premiers résultats de l’autopsie des deux corps arrivés hier en France laissent entrevoir une autre hypothèse possible, et sèment la confusion. En effet, si l’un des deux Français –on ignore lequel - a bien reçu une balle en pleine figure comme l’avait précisé Alain Juppé au JT de TF1 lundi, l’autre est mort dans des circonstances moins certaines: le cadavre est calciné.
Pour ce dernier, des sources militaires avaient assuré qu’il avait été tué de deux balles dans le dos. Le ministre de la Défense, lui, était resté plus évasif, se bornant à parler d'«exécution». «Nous avons aujourd'hui toutes les raisons de penser que les otages ont été exécutés par les ravisseurs. Il n'existe pas de flou dans la séquence des événements», avait-il affirmé. Pourtant, le fait que le corps d’une des victimes soit brûlé pourrait corroborer la piste d’un décès dans l’incendie du véhicule dans lequel il était transporté… ciblé par les forces françaises. Selon des sources maliennes, des hélicoptères de combat français ont tiré à l’arme lourde sur le convoi de véhicules des ravisseurs, à une quinzaine de kilomètres de la localité malienne de Tabankor, où deux épaves calcinées ont été retrouvées. Une hypothèse que devra bien sûr confirmer ou non l'enquête judiciaire. Les conclusions finales de l'examen médico-légal, conduit sous l'autorité du parquet de Paris, n’ont pas encore été dévoilées.
Des gendarmes nigériens
impliqués, pas de terroriste auditionné…
Autre fait troublant: parmi les trois véhicules visés, l’un transportait des gendarmes. Après la fusillade, les autorités françaises disent avoir trouvé deux ou trois (selon les sources –Juppé dit trois) «morts portant des uniformes de la gendarmerie nigérienne». Or, les militaires hexagonaux racontent avoir agi seul pendant le raid. Lundi, François Fillon avait ainsi rapporté: «Les forces nigériennes ont été les premières à intervenir puis elles nous ont demandé de l'aide. (…) Ce sont les forces françaises qui ont participé» à l'ultime assaut, les ravisseurs ayant «dépassé la frontière malienne.» Autrement dit, selon le chef du gouvernement, les Nigériens n’auraient pas dépassé la frontière, contrairement aux militaires français, qui avaient obtenu le feu vert de Bamako pour intervenir en territoire malien. Mais d’après des sources sécuritaires nigériennes citée par «Le Figaro», la vérité serait encore autre: «les membres des forces de sécurité auraient été en fait capturés lors d'un accrochage avant la frontière nigéro-malienne qui aurait tourné en faveur d'Aqmi. L'incident aurait été gardé sous silence pour éviter une humiliation ou pour masquer une éventuelle complicité avec les terroristes.» Une thèse également envisagée, parmi d’autres, par Étienne Monin, envoyé spécial de France Info à Niamey: «Cela pourrait être une complicité ou une course poursuite ou un enlèvement, hypothèse avancée par un proche du ministre de l’Intérieur nigérien, mais non confirmée officiellement.»
Ce n’est toujours pas tout: tandis que Paris a fait savoir que deux blessés avaient par ailleurs été faits prisonniers puis remis aux autorités nigériennes, le ministre nigérien de l'Intérieur, Cissé Ousmane, a démenti l’information. «Il n'existe pas actuellement de terroristes auditionnés par nos services», -t-il déclaré mardi soir sur RFI. «Nous n’avons pas encore reçu des autorités françaises des terroristes vivants, a-t-il précisé. Je peux affirmer que les services compétents nigériens ont reçu des autorité françaises, en deux phases, six cadavres et deux blessés», ces derniers étant des gendarmes nigériens et non des membres du commando qui a enlevé vendredi soir Vincent Delory et Antoine de Léocour. En outre, alors que le Premier ministre avait également précisé que six policiers français étaient en ce moment au Niger afin de participer aux interrogatoires des ravisseurs, «Le Figaro» croit savoir que l’équipe mixte d'enquêteurs de la police judiciaire française et de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) s'est vue notifier une fin de non-recevoir par le procureur une fois arrivée sur place. Seules certitudes aujourd’hui: les deux Nordistes ont été enlevés vendredi matin alors qu’ils étaient dans un petit bar de Niamey, «Le Toulousain», par un commando de quatre hommes armés. Antoine de Léocour et Vincent Delory ont été tués samedi lors de l’opération échouée d'interception du convoi qui les conduisait a priori vers le sanctuaire du Sahara malien d'Aqmi, où sont détenus depuis septembre sept employés d'Areva et de ses filiales kidnappés à Arlit, au Niger. Pour le reste, l'enquête s'annonce longue et douloureuse...

Marie Desnos - Parismatch.com
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