mardi 11 janvier 2011

NIGER - Que s’est-il exactement passé samedi ?

(Le Monde 11/01/2011)
Deux jours après l’enlèvement et la mort de deux jeunes Français à Niamey, les détails exacts de l’opération franco-nigérienne pour tenter d’intercepter les ravisseurs restent toujours flous. “Des zones d’ombre demeurent”, constate France 24, et ce malgré les précisions fournies dimanche par le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l’armée française (voir notre article). Lundi 10 janvier, plusieurs médias tentent toutefois de retracer les détails de l’opération, à force de sources anonymes et de conditionnels.
Selon Europe 1, les forces nigériennes auraient tenté une première fois d’intercepter le véhicule des ravisseurs, quelques heures seulement après l’enlèvement, dans la nuit de vendredi à samedi.
L’armée nigérienne, qui a filé les ravisseurs depuis Niamey, donne un premier assaut vers 3 heures du matin. Sans succès. Des soldats nigériens sont même tués.
Un événement également relaté par Le Point.fr :
“Selon nos sources, cette interception se produit vers Tillabéri, à la limite de la route goudronnée se dirigeant vers le nord. Des échanges de coups de feu éclatent, un officier nigérien est tué et les ravisseurs passent en force.”
Selon Europe 1, c’est à ce moment-là que Nicolas Sarkozy, en déplacement aux Antilles donne son accord pour une intervention française. Un avion de surveillance Atlantique-2 avait déja décollé pour tenter de retrouver du ciel la piste des ravisseurs, avait déclaré dimanche le colonel Burkhard. Selon Le Point.fr, c’est précisément grâce à ce premier accrochage que l’avion repère le véhicule.
Les ravisseurs poursuivent alors leur route vers le Mali. Au même moment, des forces françaises spéciales décollent en hélicoptère de Ouagadougou, au Burkina Faso, selon Le Point.fr. Ce sont ces forces, éventuellement appuyées par des militaires nigériens, qui intercepteront définitivement le convoi terroriste, samedi après-midi.
Ce second accrochage a très probablement eu lieu en territoire malien. Le colonel Burkhard a évoqué dimanche “la zone frontalière”, refusant de répondre aux questions des journalistes sur l’emplacement précis de l’accrochage. “En réalité, il semble bien qu’ils avaient déjà franchi la frontière et ils pouvaient donc se trouver au Mali”, écrit Le Point.fr.
De telles précautions du porte-parole de l’armée peuvent aisément s’expliquer par le désir de ménager les autorités maliennes, qui n’ont pas forcément été prévenues de l’opération ou qui n’ont pas envie que leur soutien à cette opération soit public.
Selon les militaires, les deux Français ont été abattus avant même l’accrochage avec les ravisseurs. Ils ont été “éliminés froidement”, a encore assuré François Fillon lundi.
Par ailleurs, le bilan exact de l’opération reste toujours flou. Combien de ravisseurs ont été tués, blessés ou arrêtés ? Combien se sont enfuis ? L’état-major a simplement précisé que “plusieurs” ravisseurs avaient été “neutralisés”. Pour Le Point.fr, les ravisseurs n’étaient pas les mêmes que ceux de Michel Germaneau ou des cinq Français d’Areva :
“D’autres sources militaires affirment qu’il s’agit de l’une des deux katiba concurrentes dans l’AQMI, celle de Mokhtar Belmokhtar. Pour des sources proches du renseignement français, Abdelhamid Abou Zeïd [assassin de l’otage britannique Edwin Dyer en 2009, ravisseur du Français Michel Germaneau mort en juillet 2010 et geôlier des otages d’Arlit] n’est pas concerné par l’enlèvement.”
Enfin, le spécialiste défense de Marianne, Jean-Dominique Merchet affirme lundi sur son blog que Michel Germaneau n’aurait en fait pas été exécuté par des membres d’AQMI, mais serait mort faute de médicaments. “Cet ingénieur à la retraite, reconverti dans l’humanitaire, souffrait de sérieux troubles cardiaques et devait suivre un traitement quotidien. Il avait avec lui des médicaments en quantité suffisante jusqu’au 18 juin”, écrit Marianne. Lors de l’opération militaire franco-mauritanienne pour tenter de le libérer, le 22 juillet 2010, Michel Germaneau était déjà mort, estime ainsi Jean-Dominique Merchet, avant de conclure :
“On ignore les raisons politiques qui ont poussé le président Nicolas Sarkozy à évoquer son éxécution [dont aucune preuve n’existe à ce jour] par AQMI.”

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