vendredi 15 octobre 2010

Niger - REMOUS AU SEIN DE LA JUNTE NIGERIENNE: Faut-il s’inquiéter pour la transition ?

(Le Pays 15/10/2010)
La junte au pouvoir à Niamey depuis moins d’un an a surpris avec les valses intervenues en son sein en début de semaine. Contre toute attente, son chef, le Commandant Salou Djibo, s’est débarrassé mardi dernier de son second, le secrétaire permanent de la junte militaire, le colonel Abdoulaye Badié.
Celui-ci a été arrêté et des officiers seraient entendus. Selon certaines sources, on les soupçonne d’avoir tenté de destabiliser la transition militaire. Dès lors se pose la question de savoir si la junte va réellement remettre le pouvoir aux civils le 6 avril prochain comme promis.
La tension était perceptible ces derniers jours à Niamey où l’on se demandait ce qui se tramait au sommet de l’Etat. Un malaise profond régnait alors que les autorités faisaient preuve d’un mutisme total. Pourtant, il y a trois jours, par décret, le général Salou Djibo, le patron de la junte, avait limogé le chef de la Garde nationale. Le poste de secrétaire permanent qu’occupait le colonel Abdoulaye Badié a aussi été supprimé, et la Cour de justice militaire réactivée. Jusque-là, la junte avait su évoluer sans accrocs. C’était très beau pour être vrai : tout allait si bien et le consensus semblait acquis et définitif au sein de l’équipe des jeunes prétoriens de Niamey. Ceux-ci venaient de mettre fin aux errements des acteurs civils ayant encouragé l’ex-président Mamadou Tandja dans ses dérives dictatoriales. Mais les hommes en uniforme ont aussi leurs petits jeux de stratégie. Lorsque le coup de force réussit, ceux qui sont aux premières loges ne sont pas toujours les vrais artisans du mécanisme. Le plus souvent ils sont embusqués, attendant le moment venu pour tenter d’imprimer leurs marques. La junte au pouvoir à Niamey pouvait-elle échapper à une telle situation ?
En tout cas, tout laisse croire qu’il s’agit d’une vraie purge. En attendant de plus amples informations sur les prises de position officielles, l’on ne peut que spéculer en raison même de l’effet de surprise. Serions-nous en présence d’une chasse aux sorcières, ou y aurait-il vraiment eu tentative de complot ? Qui aurait voulu évincer Salou Djibo de la transition ? Pour quelles raisons ? Au profit de qui ? Simples problèmes internes de gestion ? Lesquels ? Des désaccords dans la délicate gestion de la transition ? Des ambitieux se seraient-ils faits remarquer durant le processus ? Mais la question que l’on se pose par-dessus tout est de savoir s’il faut s’inquiéter ou pas des remous actuels au sein de la junte. Le pouvoir corrompt on le sait. Dès lors, on peut supposer que des membres du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), seraient devenus ambitieux au point de ne pas vouloir respecter la feuille de route.
Maintes fois, le général Salou Djibo a, quant à lui, réaffirmé son désir de quitter la tête de l’Etat nigérien et de transmettre effectivement le pouvoir aux civils. Dans l’une de ses plaidoiries, il avait même été jusqu’à ridiculiser la gestion du pouvoir par le capitaine Dadis Camara alors à la tête de la Guinée. A son tour, il semble lui-même pris aujourd’hui dans les contradictions qui, tôt ou tard, émergent et empoisonnent l’existence d’une junte au pouvoir. En outre, il n’est pas superflu de se demander si des éléments infiltrés auraient voulu profiter de l’accalmie pour élargir le dictateur Mamadou Tandja ou couvrir certains de ses partisans. On se rappelle les tentatives menées par des proches de l’ancien chef de l’Etat auprès des instances internationales pour faire valoir certaines revendications le concernant.
Si le dossier Tandja n’a rien à voir dans cette affaire, quels types de contradictions seraient-ils apparus dans la gestion des dossiers de la transition ? Y aurait-il des liens avec les échéances ? L’assainissement des finances publiques ? Certains auraient-ils préféré un vrai nettoyage des écuries d’Augias avant le transfert du pouvoir aux civils ? Auquel cas, la période de transition devrait être nécessairement revue et, par conséquent, le maintien de la junte au pouvoir pour une durée à déterminer.
Sur un autre plan, l’on pourrait aussi se demander si les récentes opérations de AQMI en plein territoire nigérien, n’ont pas indisposé la junte. Des critiques ont pu être faites, qui ont mis certains dirigeants de la junte mal à l’aise. Aurait-on posé le problème de la réorganisation de la sécurité nationale ? Aurait-on exigé du chef de la junte plus de fermeté dans l’engagement contre les auteurs de rapts, etc. ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que la situation qui prévaut actuellement au Niger, n’a rien de rassurant. Sans doute en sommes-nous aux premières vraies contradictions au sein du CSRD.
"Le Pays"
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