lundi 11 octobre 2010

Côte d’Ivoire : l’arme du bulletin de vote

(Les Afriques 11/10/2010)
Le 31 octobre, ce devrait être aux bulletins de vote de parler enfin. Tout semble au point, mais le chemin est encore long et parsemé d’embûches.
Laurent Gbagbo et ses rivaux : « C’est une élection entre deux lignes. Il y a une ligne de ceux qui sont pour l’indépendance et la souveraineté de notre pays. Et il y a la ligne de ceux qui veulent l’asservissement. »
Les 5 725 720 Ivoiriens inscrits sur la liste électorale définitive certifiée par les Nations Unies ont commencé à recevoir leur carte nationale d’identité et leur carte d’électeur. Les nombreux reports, six au total pour cinq ans de retard, la durée d’un mandat, sont présents dans tous les esprits, mais désormais, même les plus sceptiques sont bien obligés de croire que le 31 octobre 2010, la Côte d’Ivoire ira aux urnes.
Le médiateur burkinabé Blaise Compaoré, le représentant du secrétaire général des Nations Unies, comme les protagonistes, le président Laurent Gbagbo, son Premier ministre Guillaume Soro et ses deux principaux adversaires, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, alliés pour la circonstance, en sont tous convaincus.
Calendes grecques
L’optimisme est donc partagé. C’est que le principal obstacle à l’élection, la détermination des votants, a enfin été acceptée par tous. Il avait conduit Gbagbo, le 12 février dernier, à la surprise générale, à dissoudre le gouvernement et la Commission électorale indépendante. L’élection apparaissait alors devoir être reportée aux calendes grecques. La liste électorale, qui avait soulevé l’ire présidentielle, s’est par la suite avérée fiable à près de 99%. D’où la légitime suspicion que, décidément, Gbagbo ne voulait pas aller aux élections malgré ses protestations de bonne foi. Pourtant, sans qu’il apparaisse une pression différente de celles qui ont marqué ce deuxième mandat de fait, après avoir fait mine de vouloir se débarrasser du garant de l’accord politique de Ouagadougou au profit du président sénégalais, heureux de reprendre pied dans le conflit dont il a été le tout premier médiateur, à la surprise de tous, Gbagbo s’est rendu à Ouagadougou pour entériner, avec ses adversaires, la date du 31 octobre. Tous les problèmes politiques, ainsi qu’il le souligne lui-même, sont désormais réglés.
La liste électorale, qui avait soulevé l’ire présidentielle, s’est par la suite avérée fiable à près de 99%.
L’autre grand obstacle, la démobilisation des forces paramilitaires et la réunification du pays, sont aussi en cours. Il n’aura pas été résolu mais, après en avoir fait un préalable, le camp présidentiel semble accepter aujourd’hui d’en faire son deuil avant le scrutin.
Les choses semblent désormais si simples que l’on peut légitimement s’interroger sur les cinq années perdues. Mauvaise volonté de Gbagbo, puisqu’il apparaît aujourd’hui qu’il était bien le véritable maître du jeu ? Attendait-il d’avoir plus de certitudes quant à ses chances électorales face une alliance qui, même de façade, ne peut que faire réfléchir du fait de l’incontestable donne ethnique à la source du conflit ivoirien ? Les Dioulas et les Baoulés, ensemble, constituent une majorité. Les premiers, nordistes, sont réputés proches de leur fils Ouattara, alors que les seconds, de l’est akan, sont promis à Bédié. Gbagbo devrait se contenter de l’ouest krou, dont son ethnie bété constitue le noyau. Mais en dix ans de pouvoir, le président n’a eu de cesse de casser cette logique. Il a effectivement réussi à s’allier de fortes personnalités baoulé ou dioula, à commencer par son Premier ministre, dirigeant de la rébellion du nord, mais rien ne garantit qu’elles sont venues avec leurs troupes.
Fibre patriotique
Outre le dépassement de la donne ethnique, le président Gbagbo entend utiliser la fibre patriotique. « C’est une élection entre deux lignes. Il y a une ligne de ceux qui sont pour l’indépendance et la souveraineté de notre pays. Et il y a la ligne de ceux qui veulent l’asservissement », a-t-il déclaré avec force dans une campagne avant l’heure. Ce stratagème lui a déjà réussi. Au paroxysme de la tension avec la France, il lui avait permis de constituer autour de lui un véritable bouclier humain.
Reste que le 31 octobre apparaît encore bien loin tant le processus demeure fragile, à la merci du premier incident. La « rebfondation », l’alliance incestueuse entre le Front populaire ivoirien et l’ex-rébellion des Forces nouvelles, détient à la fois le pouvoir et les clefs de la paix. Après cinq ans de délices du pouvoir, l’improbable coalition apparaît plus attachée au pouvoir qu’à la paix. Le vrai gage de la paix en Côte d’Ivoire semble ainsi être la victoire de Gbagbo.

Hance Guèye
10-10-2010
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