mardi 12 octobre 2010

Benin - Attaques du gouvernement contre les médias

(Mutations 12/10/2010)
«Le communiqué du Conseil des ministres du gouvernement du Bénin, réuni en séance extraordinaire le mercredi 29 septembre 2010 fait état de «nombreux dérapages et dérives qui ne sont pas de nature à favoriser la tranquillité, la paix et la cohésion nationale», notamment «des délations portant sur des faits, gestes et propos attribués intentionnellement au chef de l’Etat et à son gouvernement…des attaques à peine voilées, du manque de courtoisie et de politesse par presse interposée à l’endroit du président de la République, et de ses proches collaborateurs…des calomnies, contre-vérités et mensonges gratuits et sans preuve sur fond de désinformations et d’intoxications distillées à travers la presse écrite et parlée et sur Internet».
Selon le gouvernement, la presse serait donc complice d’«agissements tendant à manipuler les populations abusées» du fait des «insinuations, allégations tendancieuses et accusations non fondées dirigées à dessein contre le chef de l’Etat et son gouvernement dans l’affaire des structures illégales de collecte et de placement de fonds (ICC Services et consorts) et suite à la disparition de monsieur Urbain Pierre Dangnivo, puis la récente découverte par la Commission d’enquête judiciaire de son présumé cadavre dans un quartier de la banlieue d’Abomey-Calavi». En somme, la presse est accusée d’être responsable d’une «situation délétère artificielle déconnectée du vécu réel du Béninois».
Pourtant, les affaires ICC Services et consorts, la disparition de Urbain Pierre Dangnivo et les autres dossiers à polémique qui défraient la chronique ne sont pas des inventions des acteurs des médias. Il ne s’agit là que de faits, rien que de faits notoires, très bien «connectés au vécu réel des Béninois», des faits que la presse, dans son rôle d’information, se charge de relayer à l’attention de l’opinion.
On se rappelle par contre qu’il y à quelques semaines seulement, [pour reprendre les mêmes termes que le communiqué du gouvernement], des «insinuations, allégations tendancieuses, accusations et des délations portant sur des faits non fondées» dirigées contre des citoyens ont été faites, en présence d’une importante délégation du gouvernement (environ une dizaine de ministres) et largement relayées par les médias. Des «attaques à peine voilées, sur fond de manque de courtoisie et de politesse, des calomnies, contre-vérités sans preuve sur fond de désinformations et d’intoxications» ont été faites ou dites par presse interposée à l’endroit de certains citoyens, en présence de membres du gouvernement.
On s’étonne qu’à l’époque, il n’y ait pas eu la même réaction de la part de l’Exécutif.
Avec cette réaction pour le moins surprenante du dernier Conseil des ministres et ces accusations répétées du gouvernement contre les médias, il y a lieu de s’inquiéter de plus en plus quant à la sauvegarde des acquis de la Conférence nationale de février 1990, notamment la liberté d’expression et son corollaire important qu’est la liberté de la presse.
Les Associations professionnelles faîtières des médias du Bénin que sont l’UPMB et le CNPA Bénin fustigent ces réactions du gouvernement qui tente par tous les moyens d’empêcher la presse de faire librement son travail dans la gestion de l’information relative aux situations que traverse le pays.
L’UPMB et le CNPA Bénin protestent vigoureusement contre cette pratique digne de temps anciens et appellent les acteurs des médias du Bénin à rester mobilisés pour défendre la liberté de la presse.
Dans tous les cas, l’UPMB et le CNPA Bénin ainsi que toutes les organisations professionnelles et syndicales des médias ne laisseront pas les prédateurs de la liberté de presse museler les médias, surtout qu’il nous revient déjà que des manœuvres sont en cours afin de mettre certaines institutions de la République à contribution pour bâillonner les professionnels et entreprises des médias dans les jours, semaines et mois qui viennent.
En tout état de cause, il est utile de rappeler au gouvernement qu’il existe au Bénin des institutions de régulation et d’auto régulation des médias. Elles doivent être appuyées pour bien jouer leur rôle, mais en toute impartialité et dans le respect des lois en vigueur.
Tout en exhortant les acteurs des médias à davantage de professionnalisme dans le traitement de l’information, l’UPMB et le CNPA Bénin en appellent à la vigilance de tous (médias, société civile, défenseurs des libertés, etc.) afin que le Bénin ne recule point sur le terrain des libertés fondamentales.
Non au bâillonnement de la presse !
Non aux prédateurs des libertés fondamentales !

Par Malik GOMINA et Brice HOUSSOU *
© Copyright Mutations

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire