vendredi 15 octobre 2010

Balkanisation de la RDC : les langues se délient

(Le Potentiel 15/10/2010)
Invité le jeudi 13 octobre du journal Afrique sur TV5, Aldo Ajello, ex-représentant spécial de l’Union européenne pour les Grands Lacs, a brisé le silence en présentant la balkanisation de la RDC comme une ‘’recette idéale’’ pour la résolution des conflits permanents dans la région. Sans cacher son faible pour le régime de Kigali.
Aldo Ajello a été de toutes les négociations pour la résolution des conflits en Afrique où il a travaillé en qualité, entre autres, de représentant spécial de l’Union européenne (UE) dans la région des Grands Lacs. Presque à la retraite, le diplomate italien a trouvé le temps de publier ses mémoires où il rend compte de ses quatre années d’expérience en qualité de représentant spécial des Nations unies au Mozambique et de l’UE dans cette partie du continent noir réputée pour ces conflits armés à répétition.
« LA RECETTE IDEALE » DE ALDO AJELLO
Jeudi 13 octobre, Aldo Ajello a été l’invité du journal Afrique sur TV5. Il a été reçu comme écrivain pour rendre compte de son ouvrage intitulé : « Brasiers d’Afrique. Mémoires d’un émissaire pour la paix ».
Dans cet ouvrage, il relate son expérience de représentant spécial des Nations unies au Mozambique. Il se félicite de la réussite du processus de paix dans ce pays. Réussite qu’il attribue non seulement au désir de la paix qui a animé les acteurs en conflit mais surtout à la qualité de l’accord signé entre les belligérants. Par opposition, note-t-il, de l’échec du processus similaire engagé dans les Grands Lacs.
Dans ce cas précis, les accords, pense-t-il, n’ont pas intégré les vrais problèmes de la région des Grands Lacs. Il en fustige les « faiblesses ». Aussi présente-t-il le Rwanda comme victime d’un accord mal ficelé. En réalité, c’est le régime de Kigali qu’il soutient et cherche à blanchir coûte que coûte. Ils sont nombreux à penser de la même manière ; toutefois, ils se terrent, attendant toujours une belle opportunité pour remettre sur le tapis les défauts et autres faiblesses du Congo et de ses dirigeants aux fins de justifier la version d’un pays ingouvernable.
Selon Aldo Ajello, les tensions toujours persistantes dans la partie Est de la partie, notamment dans les provinces du Grand Kivu, tiennent d’abord à ce qu’il qualifie de « résidus, d’anciens génocidaires, présentés aujourd’hui comme les FDLR », et ensuite, à un « problème fondamental », c’est-à-dire « l’absence de l’armée en RDC ». Sa description de l’armée de la RDC est désastreuse.
« L’armée est mal payée. Elle n’est pas équipée ni nourrie. Elle n’a aucune discipline. Elle compte surtout des officiers sans formation militaire dont le but principal est de se remplir les poches, ayant évolué dans les couloirs du palais présidentiel et non sur les champs de bataille », disait-il déjà dans une interview au magazine Le Courrier.
Passant en revue tous ces aspects, il s’est lancé dans la défense d’un vieux projet, qu’il considère comme la base de la déstabilisation de la RDC par la partie Est. Il s’agit de l’ouverture des frontières. Subtil, « l’émissaire pour la paix » laisse entendre qu’« Il n’est pas nécessaire de déplacer les frontières, mais les ouvrir pour une gestion concertée des ressources de la région (…). Qu’est-ce à dire ? L’ancien représentant spécial de l’UE dans les Grands Lacs se dit scandalisé que des pays comme le Rwanda et le Burundi, avec une démographie galopante, soient dépourvus de ressources et d’espace à côté d’une RDC qui en dispose énormément.
Ainsi, pour corriger ce qui passe, selon lui, pour une injustice de la nature, il préconise une gestion concertée des ressources entre les pays de la sous-région. Il est convaincu qu’ « un partage des ressources du Kivu est nécessaire pour une paix durable dans la région ». Une conviction qui le pousse à croire qu’il s’agit d’une recette idéale mais dont il atteste la faisabilité : « Il s’agit de trouver un accord pour que les frontières puissent s’ouvrir ».
Est-ce que Aldo Ajello a mesuré la charge émotive que charrie pareille déclaration dans l’opinion congolaise ? En fait de provocation c’en est une. Car, l’Italien a réveillé des « chats qui dormaient ». Il a remis en selle un vieux projet, celui de la balkanisation de la RDC, toujours rejeté mais souvent renouvelé par ceux-là qui comptent en tirer meilleur parti.
Le président français Nicolas Sarkozy peut se frotter les mains en se disant que sa proposition de gestion partagée des ressources de la RDC trouve défenseurs et porte-voix. D’aucuns sont poussés à soupçonner l’Italien, alors qu’il travaillait pour l’Union européenne, d’être le propagandiste de la thèse selon laquelle la RDC est trop spacieuse et trop riche pour les seuls Congolais. Thèse que ne cessent de soutenir les voisins rwandais et ougandais, notamment. Est-ce son opinion personnelle ou l’opinion de l’Union européenne ? Difficile à dire pour l’instant.
UN PENCHANT POUR LE RWANDA
Toutefois, ce qui est vrai c’est que l’on sait maintenant pour qui bat le cœur de l’ancien représentant spécial de l’UE dans les Grands Lacs. Il l’exprime sans ambages. De manière non voilée.
Son faible pour le Rwanda transparaît lorsqu’il prend ouvertement la défense du Rwanda après la publication le 1er octobre 2010 du rapport du Haut commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme sur les crimes commis en RDC entre 1996 et 2003.
Là où le rapport parle ouvertement d’un « double génocide » en RDC, Aldo Ajello estime qu’il s’agit « d’un acte d’hostilité contre le Rwanda » qui dénature la vérité. Selon lui, le Rwanda a été depuis toujours la « victime », se défendant contre une menace permanente, les FDLR.
Voilà. Des masques tombent et des langues se délient de plus en plus. La déstabilisation de la RDC est toujours d’actualité. Les tenants de son démembrement n’ont pas encore désarmé. Aldo Ajello vient d’en faire la démonstration.

Par Le Potentiel
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