mercredi 1 septembre 2010

Mali - Lancement du mois du Cinquantenaire: LE POIDS DE L’HISTOIRE

(L'Essor 01/09/2010)
Logo-Sabouciré fut la première cité à résister à la pénétration française et la première à tomber sous les canons de l’occupant. En y donnant le coup d’envoi des festivités du mois du Cinquantenaire, le pays entend rendre hommage à tous les martyrs de la conquête coloniale
C’est aujourd’hui que le président de la République, Amadou Toumani Touré, donne le coup d’envoi des activités du mois du Cinquantenaire. Le lieu choisi pour ce lancement est tout un symbole : Logo-Sabouciré, un village du cercle de Kayes situé entre la capitale des rails et la ville de Diamou. L’événement sera marqué par l’inauguration d’un monument en hommage aux martyrs de la bataille de Sabouciré, la découverte du tata rénové, un défilé des anciens combattants, des manifestations folkloriques.
Le choix de Logo-Sabouciré pour le lancement des festivités du Cinquantenaire pour inattendu qu’il apparaisse aux yeux du grand public, est tout à fait logique du point de vue historique et symbolique. En effet, la localité fut la première cité à résister à la pénétration française et aussi la première à tomber sous les canons de l’occupant. C’était le 22 septembre 1878. Afin d’immortaliser cette date symbolique de grande portée historique, la Commission nationale d’organisation du Cinquantenaire a décidé d’ouvrir solennellement le mois du Cinquantenaire dans ce village en hommage à tous les martyrs et villes martyrs de la pénétration coloniale.
Sabouciré était la capitale de l’ancien royaume du Logo. La localité est située à 25 km de la ville de Kayes sur la rive gauche du fleuve Sénégal. Sabouciré constituait un obstacle à la progression des forces françaises en Afrique de l’Ouest sous l’administration Faidherbe. De ce fait, la France confia cette bataille au lieutenant-colonel Reybaud dont la troupe était partie de Saint-Louis au Sénégal le 11 septembre 1878 pour parvenir à Sabouciré quelques jours plus tard, précisément le 22 septembre. A la tête d’une force de 585 hommes, avec 4 canons et 80 chevaux, Reybaud se heurta pendant cinq heures aux troupes du roi Niamodi Sissoko. Le peuple du Logo, fidèle au code de l’honneur, écrivit ce jour-là une des toutes premières pages de l’histoire de la résistance de notre peuple à la conquête coloniale. Les défenseurs de la cité firent preuve d’une grande vaillance. La cité était protégée par une imposante muraille (tata). Mais, finalement, la puissance de feu des envahisseurs fit la différence. Chaque camp enregistra de lourdes pertes en vies humaines. Les troupes coloniales totalisèrent 13 morts dont 2 officiers (un capitaine et un lieutenant) et 51 blessés. Du côté des défenseurs du royaume, on dénombra 150 morts dont le roi Niamodi Sissoko lui-même. La bataille de Sabouciré fut l’une des plus sanglantes livrées par le colonisateur français, entre 1857 et 1898, pour le contrôle du Soudan. Il fallait faire sauter le verrou à Logo-Sabouciré pour pouvoir prendre Bafoulabé, Kita, Bamako... Le royaume comptait une vingtaine de villages à son apogée. Il fit preuve d’une hostilité tenace à la pénétration française. Devant la menace des forces de Niamodi Sissoko, appuyées par les troupes d’élite de Sékou Omar Tall, les Français étaient dans le dilemme : comment atteindre Bafoulabé sans passer par Sabouciré ? Après plusieurs vaines tentatives, ils parvinrent à négocier le retrait des troupes de Sékou Omar Tall, en optant pour la stratégie classique du « diviser pour régner ». Le retrait des troupes de Sékou Omar Tall (1500 hommes) contribua notablement à la défaite du roi Niamodi Sissoko et de son armée. Dans son ouvrage "Le Khasso face à l’Empire Toucouleur et à la France dans le Haut-Sénégal", Sékéné Mody Cissoko écrit ainsi : "La bataille du Logo constitua une étape importante de la pénétration française dans le Soudan. Elle eut des conséquences nombreuses sur la politique générale du Haut Fleuve et du Soudan intérieur. La chute de Sabouciré profita beaucoup aux vainqueurs. Les Français, depuis 1860, étaient en perte de vitesse dans le Haut Fleuve au profit des Toucouleurs. La victoire sur Logo- Sabouciré renversa tout d’un coup la balance à leur avantage. Les populations de Kaméra, de Soutoukhoulé, de Guidimakha qui les avaient abandonnés revinrent à eux. La chute de Sabouciré avait enfin sonné le glas de l’indépendance du Khasso sur la rive gauche qui passait sous la domination coloniale. Pour la deuxième fois en cours du siècle, le pays avait été profondément bouleversé par la guerre de 1877 à 1879 qui ravagea le Silatiguiya, le Logo, le Niatiaga et mit en ruines les forces qui étaient en train de renaître par le catastrophique djihad omarien. Ainsi le Khasso perdit de son importance dans le Haut Sénégal et devint une petite province à peine reconnaissable à travers sa glorieuse histoire. Après Sabouciré, l’autorité française, devenue de plus en plus forte, n’avait d’autre objectif que la pacification, la tranquillité dans le Haut Fleuve. Elle interdit donc sans autorisation, les expéditions de guerre". La bataille de Sabouciré revêt un caractère d’autant plus symbolique que notre pays proclama son indépendance 82 ans plus tard, jour pour jour. C’est-à-dire le 22 septembre 1960. "En choisissant cette date symbolique, les pères de l’Indépendance ont voulu rendre hommage à la résistance héroïque du peuple soudanais à la pénétration coloniale", souligne Diadié Yacouba Dagnoko, président de l’Association pour le développement de Sabouciré. Le démarrage des activités du mois du Cinquantenaire à Sabouciré est donc une belle manière de rendre un bel hommage à tous ces hommes et femmes qui sont morts pour la défense de leur sol.

par Madiba Keïta
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