mercredi 18 août 2010

Togo - Didier Ledoux « Ce militaire français n’était pas là par hasard »

(L'Humanite 18/08/2010)
Le journaliste togolais Didier Ledoux revient sur l’altercation qui l’a opposé, mardi dernier, à un militaire français. Un incident survenu dans un climat de répression à Lomé.
Comment réagissez-vous aux sanctions prises contre le lieutenant-colonel Romuald Letondot, filmé alors qu’il vous prenait violemment à partie ?
Didier Ledoux. J’en prends acte. Mais cela ne me dissuade pas de déposer une plainte contre cet officier.
Que faisait-il aux abords d’un rassemblement de l’opposition dont le régime togolais a tenté d’empêcher la tenue ?
Didier Ledoux. Il prétend s’être trouvé là fortuitement. J’avoue que j’ai du mal à croire de telles balivernes. Au moment où j’ai pris la photo, les lieux étaient quadrillés par les gendarmes, qui bloquaient une rue pour empêcher une réunion de l’opposition. Cet officier français se trouvait en face d’éléments de la gendarmerie. Il faisait des gestes à leur attention, comme le fait un officier supérieur donnant des instructions à des éléments subalternes. J’ai pris la photo. C’est à ce moment-là, sans doute prévenu, qu’il s’est tourné vers moi en me disant : « Eh toi, là, arrête de me prendre en photo ! » D’emblée, il s’en est pris à moi sur le ton intolérable de quelqu’un qui se croit en terrain conquis. Ensuite, il s’est saisi de mon appareil photo, me menaçant de faire appel aux commandos de la garde présidentielle pour venir « foutre de l’ordre dans tout ça ». Tout le monde connaît, ici, ce régiment de commandos et ce qu’il a déjà fait par le passé. Cet officier était conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre et, en même temps, chef de formation de l’armée togolaise. Donc, il était certainement, ce jour-là, dans l’exercice de ses fonctions. Lorsqu’il dit qu’il était là par hasard, je crois que c’est faux.
Ceci intervient dans un lourd climat de répression contre les opposants qui continuent de contester l’élection 
de Faure Gnassingbé…
Didier Ledoux. Ces dernières semaines, le pouvoir a pris la décision d’entraver les manifestations de l’opposition. Ce qui relève d’une violation flagrante des droits de l’homme. La répression se traduit par des arrestations arbitraires, des bastonnades, une pluie de bombes lacrymogènes sur les rassemblements d’opposants, qui essuient parfois, aussi, des tirs d’armes non conventionnelles. Samedi, alors qu’il sortait de sa maison, Jean-Pierre Fabre, le candidat de l’opposition qui revendique la victoire à l’élection présidentielle, s’est vu intimer l’ordre de rentrer chez lui. Ce qu’il a refusé, puisqu’il n’est pas assigné à résidence. S’en est suivie une véritable course-poursuite dans Lomé.
Cette répression frappe-t-elle aussi la presse ?
Didier Ledoux. Le pouvoir utilise les tribunaux comme instruments de répression contre les journalistes. La presse est muselée. Depuis l’incident de mardi dernier, moi-même, je ne me sens plus en sécurité, je crains pour ma vie. Je reçois des menaces par téléphone. Mais je continuerai de m’exprimer.
Cinquante ans après leur émancipation, les ex-colonies d’Afrique sont-elles vraiment indépendantes ?
Didier Ledoux. Depuis cinquante ans, les États africains sont restés dépendants des ex-puissances coloniales, qui continuent d’imposer leurs valets.

Entretien réalisé par
Rosa Moussaoui
© Copyright L'Humanite

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