mercredi 11 août 2010

Tchad - Procès de l’ancien Président tchadien Hissein Habré: Entre affaire de gros sous, gros appétits, manip, et complot international

(Ndjamena Matin 11/08/2010)
Si la perspective de la tenue au Sénégal du procès de l’ancien Président du Tchad Hissein Habré s’est invitée dans les « divers » du dernier sommet de l’Union Africaine en Ouganda, ce n’est pas par hasard.
En effet, au-delà du fait qu’une grappe d’ONG – prétendument – de défense des droits de l’homme compte bien en tirer des dividendes – au propre comme au figuré - , quelques chefs d’Etats escomptent, quant à eux, y gagner de l’argent… ou régler de vieux comptes. Quoique, Idriss Deby – bien qu’il donne l’impression d’y souscrire – n’a guère la conscience tranquille, sachant pertinemment qu’il pourrait difficilement en sortir indemne, au regard des multiples méfaits, tortures et assassinats qu’il a commis à N’djamena, Kalaït et au sud du Tchad de son propre chef, sous sa couverture de chef d’Etat major de l’Armée.
Mais en marge de tout ce que l’on pourrait en penser, il faut le dire : la perspective de la tenue de ce procès pue le complot international à plein nez.
Vingt ans après que la France et la Libye eussent ouvertement prêté main forte à Idriss Deby et ses troupes pour culbuter le Président Hissein Habré du pouvoir, ces deux pays - qui ont la rancune tenace – n’en finissent pas de faire des pieds et des mains pour absolument faire juger, condamner, et envoyer derrière les barreaux l’ancien homme fort de N’djamena à qui ils n’ont jamais pardonné certaines humiliations que ce dernier ne s’était pas privé de leur infliger du temps de sa gloire.
En effet, personne en Afrique, n’a oublié les retentissants revers militaires que l’armée de Kadhafi – pourtant au faîte de sa puissance – avait subis, à la limite de l’humiliation même, face aux troupes Tchadiennes moins armées conduites par Hissein Habré. Des troupes qui avaient alors opposé une résistance farouche et inflexible à l’occupation infâme de la Libye sur la Bande d’Aouzou, une tranche du territoire Tchadien sur laquelle l’émir de la Jamahiriya avait voulu faire main basse au grand dam des froncements de sourcils de la communauté internationale qui, déjà à cette époque là, était restée aphone.
Mais ce bout de territoire Tchadien d'une superficie d’environ 100 000 km2, riche en uranium et en manganèse, Hissein Habré l’avait défendu avec pugnacité, et avait triomphé.
Et à cause de cela, le chantre des Etats-Unis d’Afrique a gardé une rancune de sicilien à Hissein Habré qui, depuis 20 ans, a largement eu le temps de mesurer le degré d’implication de la Libye dans le processus de la chute de son régime.
De même, il n’est un secret pour personne que, Idriss Deby, parti de la frontière Est soudano Tchadienne, ne serait jamais parvenu jusqu’à N’djamena sans la « couverture » de la France (et la logistique libyenne et soudanaise) qui – en dépit des fameux « accords » de coopération militaire à géométrie variable la liant à la légalité représentée encore par Habré à ce moment là – avait tranquillement déroulé le tapis rouge au rebelle Zaghawa.
Règlement de compte …ou solde de tout compte ?
En fait, la France Mitterrandienne avait très peu supporté – et surtout mal digéré – la rhétorique sèche et sans fioritures d’Hissein Habré lors du XVIe Sommet franco-africain, tenu le 19 juin 1989 à La Baule, au cours duquel le Président Tchadien avait martelé haut et fort… Qu’il y en a marre du diktat de l’Occident sur l’Afrique et les africains. Cela lui avait coûté son pouvoir !
En tout cas, après que la France Mitterrandienne ait, en 1990, activement pris part à son débarquement du pouvoir, celle Sarkoziste de 2010 n’en démord pas, et réclame – vingt ans après – à grand renfort de cris d’orfraie un procès contre Hissein Habré qui s’annonce déjà comme celui du règlement de compte… ou du solde pour tout compte !
Mais on peut déjà subodorer que ce fameux procès – si jamais il se tient – se présente déjà comme celui de tous les appétits.
Appétit, avec celui – froid et calculé – du vétéran Abdoulaye Wade qui ne s’est guère perdu en circonlocutions pour affirmer, placide, que : « pas d’argent, pas de procès ».
Au moins en voilà un qui a posé sans détours son problème ; un problème qui se résume à ne pas faire plaisir – à peu de frais – à tous ceux qui tiennent absolument ; à ne pas faire l’économie d’un procès pour lequel, en réalité, il sera difficile de rassembler des faits convaincants et matériellement admissibles. Beaucoup d’observateurs, sans détour, pensent qu’il en a besoin pour lui ou pour régler certains problèmes socio-politiques et économiques de son pays.
Surtout, qu’il sera impossible de ne pas trouver des accusations contre Idriss Deby qui aura tout le mal du monde à ne pas être interpellé par l’un ou l’autre de ces « témoins » qui se disent prêts à témoigner pour peu qu’on leur assure le transport, l’hébergement, la pitance et le reste.
Appétit avec celui imaginable, bien évidemment, de ces « témoins », ramassés depuis cinq ans à gauche et à droite, qui savent très bien qu’il leur suffira d’être disposés à venir aligner les accusations les plus horribles – voire les plus invraisemblables - pour avoir droit à un billet d’avion pour Dakar – aller et retour – être logé dans un hôtel de luxe, manger à l’œil pendant un bon moment, et s’en retourner avec un bon petit magot en poche. On ne pourra tout de même pas laisser les « témoins » repartir sans … les dépanner un tant soit peu. Ça ne se fait pas !
Appétits aussi avec ceux des avocats – tant de la défense que des parties civiles –, dont les honoraires devraient théoriquement être supportés par les bailleurs de fonds du procès. Des avocats qui seront bien aise de faire traîner le procès en longueur pour le bonheur de leurs factures.
Appétits en tous genres donc à la simple évocation de l’évaluation des charges de ce procès qui - avant même son ouverture - frise déjà les quatre milliards de FCFA, et ne s’en tiendra certainement pas là, car ce genre de procédure peut prendre beaucoup de temps.
Appétits multiples.
On n’a qu’à voir celui de Charles Taylor à La Haye qui traîne déjà depuis presque quatre ans. Si chez les Européens ça a déjà pris quatre ans, les lenteurs de l’Afrique pourraient nous offrir le double.
De quoi se demander déjà si les quatre milliards pourraient aller au-delà de… deux ans de procédure !
Mais faudrait-il mettre sous le boisseau les appétits de ces multiples ONG, dites de défense des droits de l’homme, qui s’agitent comme des derviches tourneurs autour de ce procès qu’elles appellent de tous leurs vœux.
Pensez donc : Ce n’est pas pour les yeux de la princesse – ou pour essuyer les larmes de quelques nègres éplorés - que ces associations s’activent tant. Elles ont le génie de trouver leur compte dans ce genre de dossiers où il y aura toujours des avantages en espèces, en nature, ou en numéraires à glaner.
Des ONG qui, au-delà de l’agitation autour de grands principes, trouveront certainement un plaisir aussi malin qu’intéressé à jouer les chaperons de « témoins », plus ou moins de bonne foi, qu’ils tiendront à accompagner – en les tenant par la main - de leurs cases à la passerelle de l’avion, de l’aéroport à la chambre d’hôtel, en passant par le restaurant, jusqu’à la salle d’audience. Pendant tout le temps que durera le procès !
On voit donc jusqu’à quel niveau il y en a beaucoup qui tiennent absolument à ce que ce procès se tienne. Encore que les Occidentaux, quand ils donnent leur fric de la main droite, savent toujours comment le récupérer de la main gauche. Ainsi, s’ils s’entêtent à vouloir débourser autant d’argent pour la tenue d’un procès qui – dans l’absolu - ne leur rapporte pas grand-chose, il y a de quoi conclure que derrière toute cette manipulation, se cache un petit complot qui finira bien par montrer son visage un jour ou l’autre.

Par Jean François Brurvelz
© Copyright Ndjamena Matin

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