mercredi 11 août 2010

Tchad - Le président tchadien remet en cause la présence militaire française

(Le Figaro 11/08/2010)
Le président tchadien Idriss Deby Itno a profité mercredi du 50eme anniversaire de l'indépendance pour remettre en cause Epervier, le dispositif militaire français au Tchad où la France est présente presque sans discontinuité depuis 1960.
"Nous nous acheminons vers une révision de l'accord de siège entre Epervier et le Tchad", a déclaré le président Deby au cours d'une conférence de presse.
"Cela fait 20 ans (1986) qu'Epervier existe et il ne joue plus son rôle, à part quelques soins donnés aux malades et un appui logistique en cas d'agression quelque part", a-t-il commenté.
"Nous allons revoir l'accord de siège, puisqu'il n'existe pas un accord: la France ne paye rien au Tchad à part quelques marchandises qui entrent sous douanes. Si la France veut rester au Tchad et utiliser ses avions, entraîner ses hommes, il y a un coût à payer et l'accord de siège permettra de clarifier ce que la France doit payer au Tchad", a poursuivi le président Deby.
Avec 950 hommes environ et des avions de chasse, l'opération Épervier avait été déclenchée en 1986. Depuis, les militaires français n'ont plus quitté le pays, gardant notamment une base sur l'aéroport de N'Djamena et une autre sur l'aéroport d'Abéché dans l'Est.
"Autrement dit, si la France dit qu'elle n'a pas de moyens pour payer et qu'elle veut partir, nous garderons les meilleures relations possibles mais nous n'empêcherons pas Epervier de partir", a ajouté Deby.
"La présence actuelle d'Epervier n'a rien à voir avec notre indépendance et notre souveraineté" a poursuivi Deby. "Epervier n'est pas ici pour aider ou soutenir un gouvernement ou un régime".
La France a réagi aussitôt, s'affirmant "prête" à négocier.
"Si les souhaits (du président Deby) nous étaient confirmés officiellement dans le cadre de la relation bilatérale, bien évidemment, nous serions prêts à les examiner", a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense, Laurent Teisseire.
Pour l'opposant Saleh Kebzabo, de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC), le président Deby fait "une découverte tardive de la souveraineté".
"Depuis plus de 20 ans, la présence française a permis aux différents régimes de se maintenir, de Hissène Habré à Idriss Deby Itno. En 2008, le régime aurait été balayé par la rébellion s'il n'y avait pas eu les Français", estime M. Kebzabo, rappelant qu'en février 2008, la rébellion était arrivée aux portes du palais présidentiel.
Le président Deby avait alors bénéficié du soutien logistique et en renseignements des Forces françaises.
"C'est un calcul politicien personnel de Deby. Aujourd'hui, il se sent assez fort", précise Kenzaboh.
La remise en cause d'Epervier survient alors que le Tchad et le Soudan normalisent leurs relations, promettant notamment de ne plus soutenir leurs rébellions respectives.
Le président tchadien a aussi obtenu pour la fin de l'année le départ du Tchad de la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (Minurcat), qu'il estime être un échec.
Parallèlement, la France renégocie ses accords de défense avec ses partenaires africains et va notamment fermer ses bases au Sénégal.
"Au plan idéologique, la présence française semble anachronique", souligne Saleh Kebzabo.
Toutefois, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a affirmé fin juillet que la France voulait "renforcer ses défenses" au Sahel après la mort de l'otage Michel Germaneau, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l'exécution.

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