mercredi 11 août 2010

Rwanda - Victoire sans surprise de Paul Kagame au Rwanda

(Afrique Actu 11/08/2010)
Paul Kagamé, candidat à sa propre succession, a été réélu, plutôt plébiscité, au terme d’un scrutin présidentiel verrouillé. Dès hier mardi 10 août 2010, le lendemain du vote, l’homme fort de Kigali était déjà à pratiquement 93% des voix. Les résultats de la présidentielle du 9 août sont encore partiels. Selon la Commission électorale, le no1 rwandais est crédité de 92,9% des voix. Mais ses partisans et lui-même n’ont pas attendu pour fêter leur victoire.
Paul Kagame arrive largement en tête de l’élection présidentielle avec près de 93% des suffrages. Un score sans appel et qui va lui permettre de rempiler pour sept nouvelles années à la tête du Rwanda. Un résultat, tenez-vous bien, partiel, et qui préfigure un score final, pour le moins, équivalent à celui de 95% enregistré à la présidentiel de 2003. Combien va-t-il concéder, c’est bien le mot, aux trois candidats qui ont bien voulu l’accompagner dans cette comédie électorale ? 1,2 ou même 5% ? En tout cas le trio de faire-valoir se contentera, sans broncher, d’une broutille du suffrage. On connaissait les scores himalayens de type soviétique, albanais ou à la Ben Ali (du nom de l’inamovible président de la Tunisie), il y a désormais le score kagaméen.
Les résultats ne sont que partiels certes, mais la fête a déjà commencé chez les partisans de Paul Kagame. Ils étaient des milliers de militants ou sympathisants du FPR, le Front patriotique rwandais, à s’être donnés rendez-vous lundi nuit au grand stade de Kigali pour célébrer ce nouveau triomphe électoral. Pouvait-il en être autrement dans un pays mis en coupe réglée depuis l’arrivée au pouvoir, en 1994, du Front patriotique rwandais (FPR) ? Que nenni. Car, pour ouverte qu’elle a voulu paraître, la présidentielle rwandaise fut l’une des plus catastrophiques du continent noir. La campagne politique a été marquée par une répression sans précédent de tous ceux qui pouvaient, d’une manière ou d’une autre, inquiéter celui que d’aucuns qualifient désormais de « tyran froid de Kigali ».
En effet, un climat de terreur s’était abattu sur le pays durant toute la période préélectorale : musellement de la presse libre, disqualification abusive de certains partis du scrutin, morts suspectes d’opposants, comme celle du vice-président du Parti démocratique, André Kagwa Rwisereka le 14 juillet dernier, ou encore celle du journaliste Jean Léonard Rugambag le 24 juin. Une vague de violence face à laquelle la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a appelé à l’ouverture d’une « enquête indépendante et impartiale ».
92% des suffrages en faveur de Paul Kagame, autant dire que le président rwandais a été plébiscité lors de ce scrutin. Une écrasante victoire synonyme selon Charles Murigande, de la reconnaissance des Rwandais pour celui qui est présenté aujourd’hui comme l’architecte de la modernisation du Rwanda :
« C’est une victoire qui ne nous surprend pas. C’est la suite logique des réalisations menées par le Président Kagame durant ces derniéres années et toute personne bien pensante ne pouvait que voter pour lui. »
Parmi les trois candidats qui affrontaient le président Kagame, le score le plus élevé a été obtenu par Jean Damascene Ntawukuriryayo, du parti social démocrate (PSD), qui recueillerait 4,9 % des voix. Quant à l’opposition rwandaise, elle qualifie de farce électorale cette élection présidentielle et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître les résultats du scrutin.
Mais l’ancien pensionnaire du camp militaire de Fort Leavenworth avait-il besoin de toute cette campagne d’intimidation… pour se faire élire, lui qui apparaît au yeux de nombre de ses concitoyens et même de la communauté internationale comme l’artisan du miracle économique du « Singapour de l’Afrique » ? Assurément non.
Car, président sortant, il avait un bilan économique et social à défendre. En effet, considéré à tort ou à raison comme celui qui a mis fin au génocide, en 1994, de 800 000 à 1 200 000 Tutsis, Paul Kagamé est crédité de nombreuses réalisations. Ainsi de la réfection des routes, de l’électrification de plusieurs zones du Rwanda, de l’amélioration du taux de couverture sanitaire et scolaire. Et que dire de cette promotion tous azimuts de l’autre moitié du ciel dont il est également l’artisan ? Ajoutons à cela que dans un contexte de crise économique mondiale, son pays a réussi la prouesse d’afficher un taux de croissance économique de 7%.
« Que la communauté internationale ne reconnaisse pas les résultats de ce scrutin et qu’elle continue à soutenir le peuple rwandais en vue d’un scrutin libre qui verra la participation de l’opposition. Un scrutin qui permettra aux Rwandais de choisir librement leurs dirigeants. »
Qui dit mieux ? Pas même les Ocidentaux, qui considèrent le pays des Mille Collines comme un modèle. Même si, il faut le reconnaître, ce bond économique est en bonne partie financé par l’exploitation illégale des richesses minières de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). « Bâtisseur, libérateur et visionnaire », comme le désignent ses partisans, le président Kagamé multiplie les signes inquiétants de dictature que certains voudraient qualifier d’« éclairée ».
Du côté de la commission électorale, on se félicite du bon déroulement de ce scrutin. Chrysologue Karanga est le président de cette institution : « Je suis très satisfait de ce scrutin. Il n ya pas eu de fraudes ni d’incidents. »
Les résultats partiels publiés jusque là ne portent que sur 11 des 30 régions que compte le pays. La commission électorale promet la publication de la totalité des résultats dans le courant de la journée.
Franchement, avec un tel bilan en béton, ajouté aux avantages humains matériels et financiers, l’”homme mince” de Kigali avait-il besoin de tant de forfaiture pour conserver son fauteuil ? C’est à croire que toute cette escalade de la violence ne vise qu’à satisfaire les caprices d’un fétichiste du chiffre : au moins égaler, sinon battre le record de 95% enregistré en 2003.

Alain Saint Robespierre
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