vendredi 13 août 2010

Relations Tchad /France: grosse colère du petit berger de Berdoba

(L'Observateur Paalga 13/08/2010)
Idriss Déby, le président du Tchad, que l’on présente à tort ou à raison comme un homme de la France, serait-il en train de prendre crescendo son indépendance ? On pourrait le croire si l’on s’en tient à sa dernière demande de révision des accords qui lient son pays à la France, où il reprend à son compte les requêtes formulées précédemment par ses pairs Abdoulaye Wade du Sénégal et Ismaël Oumar Guelleh de Djibouti, qui estiment devoir désormais recevoir une compensation financière de la France, en échange du maintien de ses soldats sur leur territoire.
L’actuel magistrat suprême du Tchad, qui fut jadis petit berger dans son village de Berdoba, a sans doute pris sa revanche sur la vie. Serait-il en train de la prendre sur la puissance colonisatrice après le camouflet de l’épisode de l’arche de Zoé ?
La spectaculaire libération des otages français -affaire Arche de Zoé- des geôles tchadiennes avait fini par le discréditer et par le confiner au minable rôle de marionnette de la puissance colonisatrice.
Le moment se voulait solennel, le timbre de la voix semblait provenir des tripes et Idriss Déby ne s’est pas embarrassé de circonlocutions pour laisser parler son cœur. En effet, c’est par une adresse à la nation lue à haute et intelligible voix lors d’une conférence de presse tenue le 11 août dernier à N’Djamena, à l’occasion du cinquantenaire de son pays, que le n°1 tchadien a posé ses conditions pour que les troupes françaises puissent continuer de rester dans son pays. Et l’Hexagone, en réponse, se dit « prête à examiner la demande du Tchad ».
Mais fallait-il vraiment attendre 50 ans après son accession à la souveraineté internationale pour que le Tchad demande le départ des troupes de la puissance colonisatrice du pays ?
Assurément, non ! Il aurait pu le faire depuis, puisque l’histoire de notre pays nous apprend que c’est seulement aux premières heures de l’indépendance que le Président Maurice Yaméogo a demandé et obtenu le départ des troupes françaises de l’ex-Haute-Volta.
L’homme d’Etat voltaïque savait, mieux que quiconque, que ces présences militaires étrangères en Afrique pouvaient être nocives pour nos jeunes Etats. Alors pourquoi Idriss Déby, qui a usurpé le pouvoir d’Etat des mains du tristement célèbre Hissène Habré depuis décembre 1990 – soit 20 ans de pouvoir – et qui a eu tout le loisir de le faire, est-il resté tout ce temps bouche cousue ?
Et puis, entre nous, le maintien ou le départ d’une armée étrangère d’un pays est d’abord une question de souveraineté ! Pour une telle question, il serait malvenu de mettre en avant des préoccupations bassement financières !
Pour la petite histoire, disons que depuis le 6 mars 1976, la France et le Tchad étaient liés par un simple accord de coopération militaire, technique et logistique. Sur le papier, la France ne dispose pas de base permanente dans le pays. Pourtant, depuis 24 ans, elle y maintient un millier de soldats dans le cadre du dispositif Epervier, mis en place à la demande du Tchad en 1986 pour contrer la Libye.
En 1990, un protocole additionnel, complété en 1998, avait été signé concernant le stationnement des troupes françaises sur place. Avec l’argent du pétrole, Idriss Déby s’est armé de manière considérable. Mieux, il a réussi, un tant soit peu, à sécuriser ses frontières en signant des pactes de non- agression avec le Soudan du célèbre wanted de la CPI, El- Béchir, et avec son turbulent voisin, le Guide libyen.
Aujourd’hui, il veut revêtir à si bon compte le costume de patriote, de défenseur des intérêts de la patrie. Fort de sa liberté retrouvée après avoir mis en déroute, grâce aux mirages français, la coalition rebelle de Timane Erdimi et de Mahamat Nour en 2008 aux portes de N’Djamena, Déby crache maintenant dans la soupe.
Désormais sûr de lui.

Par Boureima Diallo
© Copyright L'Observateur Paalga

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