mardi 17 août 2010

Niger - Timide mobilisation pour les victimes de la furie du fleuve

(IPS 17/08/2010)
NIAMEY- Debout sur une rive de la vaste étendue d’eau avec trois autres paysans sinistrés, Sadou Hama, 40 ans, tente de montrer au loin du doigt à IPS l’emplacement de ses cultures de riz et de légumes, qu’il repère grâce aux cimes d’arbres surplombant légèrement les eaux rougeâtres.
"Je comptais sur la vente des légumes qui étaient arrivés à maturité pour faire face à mes dépenses familiales au cours de ce mois de ramadan. Hélas, les eaux ont tout saccagé, mes cultures, mon habitation", se plaint Hama, un habitant de Lamordé, une zone du gros quartier de Harobanda, sur la rive droite du bras du fleuve qui traverse Niamey, la capitale nigérienne.
Chef d’une famille de huit personnes, Hama fait partie des victimes de la furie des eaux du fleuve Niger qui ont débordé de leur lit, dans la nuit du 5 au 6 août, pour inonder plusieurs quartiers riverains du cours d’eau et occasionner d’importants dégâts matériels, selon le bilan dressé par les autorités de la communauté urbaine de Niamey.
Dr Daniel Sighomnou, expert hydrologue à l’Autorité du bassin du Niger (ABN), à Niamey, explique que cette montée exceptionnelle du fleuve dans la capitale a été provoquée par le déversement des trop pleins de certains cours d’eaux affluents du fleuve comme la Sirba, le Gorouel, le Dargol, la Tapoa..., qui prennent leurs sources au Burkina Faso et/ou au Niger.
Selon Sighomnou, le débit du fleuve relevé à Niamey le 5 août est le plus fort jamais enregistré à cette station au mois d’août depuis le début des observations en 1929.
"Entre le 20 et le 31 juillet 2010, il y a eu de fortes précipitations sur ces bassins. Résultat : certains barrages de ces bassins ont déversé leurs trop-pleins. Donc, en plus de la quantité des pluies, il y a le déversement des barrages", souligne Sighomnou à IPS.
Pour Maurice Ascani, un photographe français basé à Niamey depuis 1968, le fleuve n’est pas venu envahir Harobanda d’un seul coup. Il a mis plus d’une dizaine de jours à monter. "Les bords du fleuve sont équipés de règles spécifiques qui sont contrôlées tous les matins par des agents de l’ABN. Ces relevés doivent servir d’indicateur pour donner l’alerte s’il le faut", dit-il à IPS.
Jusqu’au 14 août, les statistiques officielles mentionnaient 2.124 ménages sinistrés totalisant 14.908 personnes qui ont abandonné leurs maisons effondrées ou menacées par les eaux. Ces familles sont principalement recensées à Lamordé, Karadjé, Zarmagandez, Kossey et Kombo, les quartiers les plus affectés par les inondations, selon le gouverneur de la région de Niamey, le Colonel Soumana Djibo.
Les dégâts matériels s’établissent à 839 maisons effondrées, une soixantaine menacées d’écroulement, 1.351 parcelles de champs endommagées, plus de 220 hectares de cultures maraîchères et près de 230 hectares de cultures de riz engloutis par les eaux ainsi que la détérioration des infrastructures hydro-agricoles et du réseau routier dans un pays déjà frappé par une grave crise alimentaire.
Face à cette catastrophe dont l’aggravation est redoutée par les spécialistes avec les fortes précipitations annoncées ce mois d’août, les autorités communales ont créé un Comité ad hoc de gestion des inondations, qui s’atèle à reloger les sinistrées et à leur apporter une assistance alimentaire et médicale ainsi que des appuis en semences pour les paysans qui ont perdu leurs cultures.
"L’urgence, c’est d’abord de reloger les familles sinistrées dans des écoles et leur fournir de l’eau potable, des vivres, des médicaments, des nattes, des couvertures, des kits sanitaires et des ustensiles", indique à IPS, Boubacar Adamou, un membre du comité.
Les sites de relogement des victimes se chiffrent à 13 et abritent 509 ménages, soit 3.369 personnes; 1.237 autres sont attente devant les sites. Les trois quarts des sinistrés sont logés dans des familles d’accueil ou refusent de quitter les zones inondées, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) à Niamey, qui travaille conjointement avec le comité ad hoc.
"Les victimes des inondations ont construit leurs maisons dans le lit du fleuve qui s’est progressivement retiré au fil des décennies du fait des sécheresses et de l’ensablement. Inévitablement, quand l’eau revient en quantité et avec force, c’est la catastrophe", explique à IPS, Garba Ousmane, agent de l’environnement à Niamey. Pour lui, il aurait fallu tout simplement empêcher les gens de construire anarchiquement dans le lit du fleuve et on n’en serait pas là.
Mariama Yayé, une femme de 39 ans, est relogée dans une classe de l’école de Nogaré avec son époux et leurs cinq enfants. "Nous avons perdu nos vivres, nos meubles, nos habits dans l’effondrement de notre maison. Dieu merci, grâce à la solidarité, nous avons où dormir, un peu de nourriture et une assistance médicale", affirme-t-elle.
Comme assistance aux sinistrés, "la Croix-Rouge nigérienne a fourni une trentaine de tentes familiales et déployé des équipes pour l’assainissement et l’entretien de tous les sites; le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a octroyé 1.163 nattes, 1.546 couvertures et 1.546 moustiquaires", selon OCHA.
La même source mentionne la mise à la disposition du comité de 327 tonnes de vivres sur un besoin de 895 tonnes ainsi que des seaux en plastique et des lampes tempêtes.
"Le comité a évalué les besoins à 50.000 comprimés anti-diarrhéiques, des flacons solutés, des sérums salés pour faire face aux maladies diarrhéiques. Seulement, les premiers dons de médicaments mobilisés par le comité sont constitués d’antipaludéens et d’anti-infections", indique Adamou, qui signale la réception des premiers lots d’anti-diarrhéiques le week-end des 14-15 août seulement.
"Ici A Banga-Bana, nous avons les médicaments nécessaires pour soigner les différents types de pathologies qui peuvent surgir. Le seul gros problème auquel nous sommes confrontés, c’est la gestion des non-sinistrés qui tentent de se faire passer comme tels pour bénéficier de soins gratuits", souligne à IPS, Fatouma Cissé, une agent de santé communautaire sur ce site.
Seybou Zakou, membre de la Plateforme paysanne à Niamey, déclare à IPS : "Les efforts d’assistance doivent se concentrer sur les agriculteurs pour leur éviter la perte de la campagne. Les riziculteurs et les maraîchers qui ont besoin d’une assistance d’urgence sont estimés à plus de 1.200 personnes. Jusqu’ici, ils attendent".
"Le comité a chiffré les besoins en semences à 8.775 tonnes pour le riz pluvial et 329 kilogrammes pour les cultures maraîchères, qui attendent encore d’être mobilisés", souligne Adamou du comité.
Selon Adamou, une fois les urgences évacuées, le comité prévoit de trouver de nouveaux sites pour déplacer tous les quartiers susceptibles d’être menacés par le débordement des eaux du fleuve, mais aussi de construire une digue de protection des berges du cours d’eau.
Le travail consistera à identifier ces nouveaux sites d’accueil et leurs propriétaires, à les viabiliser, à faire une levée topographique et un lotissement avant de les attribuer aux sinistrés recasés, explique-t-il à IPS. (FIN/2010)

Ousseini Issa
16 août (IPS)
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