mercredi 4 août 2010

Madagascar - Des meetings pour entretenir la flamme

(Le JDD.fr 04/08/2010)
Marc Ravalomanana a quitté Madagascar il y a quinze mois. Depuis, il maintient un lien avec ses partisans en faisant des discours par téléphone portable.
"Je lance un appel aux forces armées pour qu’elles fassent preuve de solidarité et de neutralité dans la recherche d’une solution à la crise actuelle… Seul le consensus pourra sortir le pays de l’impasse!" Entre deux salves d’applaudissements, la foule lève les yeux et tend l’oreille. L’orateur est en effet absent de l’estrade faisant face au public: la voix nasillarde, relayée par des haut-parleurs, est crachée par un téléphone portable sur lequel on a apposé un micro.
Depuis quinze mois, c’est ainsi que Marc Ravalomanana communique avec ses partisans qui, interdits de manifestations publiques, se réunissent régulièrement sur le parking dévasté de l’une de ses anciennes sociétés. Inlassablement, le président évincé rabâche un message mêlant promesses et acrimonie, histoire de maintenir la foi de ses supporters. Chaque mois qui passe, ils sont un peu moins nombreux, lassitude et précarité obligent. Mais brandissant à bout de bras des affiches de la campagne présidentielle de 2006, les irréductibles continuent de croire au retour de leur "Dada" (père).
Les perspectives sont pourtant très incertaines. A Madagascar, la transition menant vers la IVe République s’éternise. Le pays a fêté le cinquantenaire de son indépendance sans Constitution ni président élu. Andry Rajoelina, chef du régime en place, navigue à vue, incapable de tenir son calendrier de sortie de crise. Intransigeants, ses adversaires réclament, eux, l’application des accords consensuels de Maputo et Addis-Abeba, mis au placard par le pouvoir actuel.
Depuis son confortable exil, entouré de sa garde rapprochée, Ravalomanana attend son heure. Installé entre Pretoria et Johannesburg, "il tient à payer ses charges d’habitation et de vie quotidienne", selon un membre de son staff, mais sa sécurité et ses déplacements sont pris en charge par les autorités locales. L’ex-président malgache sait pouvoir compter sur l’appui de ses anciens pairs africains, qui se serrent les coudes face à l’éviction d’un des leurs. Jacob Zuma (Afrique du Sud) et Joseph Kabila (République démocratique du Congo) ont, par exemple, convaincu Nicolas Sarkozy de ne pas inviter Madagascar au sommet de Nice début juin.
Marc Ravalomanana jouerait la politique de la terre brûlée
Quand la diplomatie d’Andry Rajoelina patauge, Ravalomanana multiplie, lui, les contacts, se rachetant une virginité après les déboires qui ont conduit à son départ du pouvoir. Il n’ignore cependant pas qu’il lui faudrait des circonstances particulières pour pouvoir revenir à Madagascar. Il est sous le coup de condamnations judiciaires, et certains ont juré de le "descendre" s’il pose le pied sur le sol malgache. Mais, à écouter les autorités, il serait derrière chaque affaire alimentant la chronique : la tentative de coup d’Etat déjouée en avril, la mutinerie d’une partie de la gendarmerie en mai… Chaque fois, des proches du "PDG de Madagascar" déchu sont directement impliqués. Après les échecs de ces opérations, il est aujourd’hui accusé de déstabiliser le pays par le biais économique. Une hausse drastique du prix de l’essence est décrétée par les pétroliers? "Dans tous les conseils d’administration il y a quelques-uns de ses hommes", constate un membre de la présidence, persuadé du complot visant à perturber le précaire équilibre social.
Marc Ravalomanana jouerait ainsi la politique de la terre brûlée, misant sur la décrépitude de son pays pour revenir en sauveur. En 1996, son prédécesseur, Didier Ratsiraka, avait été élu après avoir été mis à la porte cinq ans plus tôt. Depuis son exil en France, il avait patiemment réussi à décrédibiliser le régime de son tombeur, Albert Zafy.

Rémi Ralosse (Correspondance à Antananarivo) - leJDD.fr
Samedi 31 Juillet 2010
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