mardi 10 août 2010

Cameroun - Bras de fer entre le Fmi et le gouvernement

( 10/08/2010)
Dans un communiqué tout en euphémismes, le ministre camerounais des Finances tente d’édulcorer les analyses alarmantes du Fonds monétaire international sur la situation et les perspectives économiques du Cameroun.
C’est un fait peu banal. A l’issue du conseil d‘administration du Fonds monétaire international du 14 juillet dernier, qui tablait notamment sur la situation et les perspectives économiques du Cameroun après les consultations effectuées au pays par le staff de l’institution, le ministre des finances, Essimi Menye, a diffusé un communiqué pour rendre compte des délibérations d’un conseil auquel il n’appartient pas. L’anomalie, c’est surtout que, le Fonds monétaire lui-même, comme il est de coutume, avait rendu public un communiqué pour rendre compte de ses observations. Et en comparant les deux communiqués, on se demande bien s’il s’agit du même pays.
Car là où le Fonds monétaire décrit une situation difficile, le gouvernement camerounais tente d’édulcorer le message dans son communiqué. Par exemple, Emmanuel Essimi Menye explique que « les administrateurs du Fmi ont accueilli favorablement les signes d’une reprise de la croissance économique au Cameroun, malgré les risques liés aux incertitudes de la reprise économique mondiale », là où le Fonds monétaire s’est montré clairement inquiet : « en dépit du vaste potentiel du pays, écrit le Fonds, la croissance est restée entravée, ces dernières années, par une faible infrastructure, un climat des affaires peu propice, une capacité d’absorption limitée, un secteur financier peu développé et des obstacles aux échanges.
Le Pib réel par habitant a stagné au cours de la période 2005- 09 et l’incidence de la pauvreté est restée quasiment inchangée. Le Cameroun est lourdement tributaire des produits de base pour ses recettes d’exportation et ses recettes budgétaires, et demeure donc vulnérable aux chocs exogènes. La crise mondiale a ralenti le rythme de l’activité économique du Cameroun en 2009, en raison essentiellement d’une baisse de la demande et des prix de certains de ses principaux produits d’exportation ».
Dans cette même logique visant à maquiller le rapport alarmant dressé par le fonds monétaire international, Emmanuel Essimi Menye soutient qu’au plan budgétaire, « le conseil d’administration s’est félicité des efforts du gouvernement visant l’amélioration de la gestion des finances publiques. Dans ce sens, il a encouragé les autorités camerounaises à accélérer le processus déjà entamé d’apurement des reste à payer afin d’éviter une accumulation des arriérés intérieurs ». Contrairement à ce discours rassurant, le Fonds monétaire indique dans son communiqué que « la gestion des finances publiques s’est sensiblement détériorée, vu la forte augmentation des obligations de paiement non réglées de l’État — en particulier le retard dans l’indemnisation de la Société nationale de raffinage pour les pertes qu’elle a encourues —, des ordonnancements non exécutés et des dépenses engagées et non ordonnancées mais pour lesquelles les services ont été déjà fournis. La santé du système bancaire s’est détériorée, du fait à la fois de problèmes de gestion des finances publiques et de réglementation qui ont encouragé une concentration excessive du crédit, et sous l’effet de la crise mondiale ».
Plus grave, si les administrateurs du Fonds «ont salué les premiers signes d’une reprise de la croissance au Cameroun, après les retombées négatives de la crise financière mondiale », ils « se sont dits préoccupés par les faiblesses de gestion des finances publiques au vu de l’augmentation des obligations de paiement non réglées et du recours à la Société Nationale des Hydrocarbures pour financer des opérations de dépenses. Ils ont souligné qu’il était essentiel de renforcer la gestion des dépenses et de la trésorerie afin de préserver la stabilité budgétaire et financière, de veiller à l’efficience des dépenses publiques et de renforcer la transparence budgétaire ».
Il est vrai, comme le souligne le communiqué du Fmi, que les administrateurs ont félicité les autorités du travail réalisé pour évaluer la nature et le montant des obligations restant à régler et pour apurer une part considérable de ces obligations mais dans la foulée, « ils engagent les autorités à continuer de progresser vers l’établissement de mécanismes effectifs de suivi des flux de dépenses tout au long du processus d’exécution budgétaire et à prévenir toute nouvelle accumulation d’arriérés intérieurs », recommandant même au gouvernement de s’abstenir de ponctionner les réserves logées à al Beac, comme les autorités projetaient de le faire pour renflouer le budget 2010.
Concernant le secteur bancaire, le Minfi n’a pas abusé de son sens de l’euphémisme. Car le Fonds monétaire souligne que « compte tenu du fait que les actifs bancaires demeurent excessivement concentrés sur quelques grandes entreprises, que l’apurement des obligations de l’État accuse d’importants retards et que les normes de supervision sont inadéquates, les administrateurs engagent les autorités à redoubler d’efforts pour assurer la stabilité financière. Ils encouragent les autorités à agir, en collaboration avec les instances régionales de contrôle, pour assurer un suivi rapproché de l’évolution des vulnérabilités bancaires et promouvoir l’adoption graduelle de pratiques optimales propres à atténuer les risques de concentration ».
Précision utile, ce n’est pas uniquement pour nuire, comme laissent croire quelques fonctionnaires, que le Fonds monétaire international choisit de diffuser les résultats de ses consultations dans le cadre des notes d’information au public (NIP). Car celles-ci, précise le Staff du Fonds, « s’inscrivent dans le cadre des efforts que déploie le FMI pour promouvoir la transparence de ses prises de position et de son analyse de l’évolution et des politiques économiques. Les NIP sont diffusées avec le consentement des pays concernés, à l’issue de l’examen par le Conseil d’administration des rapports sur les consultations au titre de l’article IV avec les pays, de la surveillance de l’évolution économique à l’échelle régionale, du suivi post-programme et des évaluations ex post de la situation des pays membres où le FMI a appuyé des programmes sur une longue durée ».
Autant dire que, si la gestion des finances publiques continue à être inefficiente, le Fonds monétaire, à l’issue de prochaines consultations, continuera de mettre la disposition du public ses analyses et recommandations.

par François Bambou

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