mardi 17 août 2010

Burkina Faso - Présidentielle 2010: Blaise aujourd'hui et toujours !

(L'Evénement 17/08/2010)
Après s'être autoproclamé candidat à partir de l'étranger, Blaise vient de recevoir l'onction de son parti pour la présidentielle de novembre prochain. Le congrès convoqué pour la circonstance a dressé un bilan satisfaisant du quinquennat écoulé et placé le candidat du CDP sur le chemin d'un règne à vie. Excit la clause limitative de l'article 37. Reste à conférer à la décision l'habillage juridique nécessaire. Une formalité qui sera accomplie en temps opportun.
Le CDP a accompli sa tâche. Créé pour assouvir les ambitions d'un homme, le CDP ne pouvait en effet tergiversé sur la question sensible de l'article 37. Roch Marc Christian et ses lieutenants ont louvoyé mais ont fini par se plier à la volonté du chef. L'alternative était en effet, se soumettre ou se démettre. Ils n'ont pas pris le moindre risque. Restait à trouver le prétexte idéologique pour justifier ce recul démocratique. C'est ce que vient de faire allègrement le congrès extraordinaire, en adoptant pour l'essentiel le document qui a servi de base à ses travaux. Morceau choisi : " la démocratie est intimement liée à l'histoire des peuples. Elle n'est jamais neutre car étant le fruit d'une longue évolution et maturité des pays qui la pratiquent avec d'ailleurs de fortes disparités entre Républiques et Monarchies constitutionnelles.
Il n'y a donc pas lieu de s'offusquer que les africains intègrent dans la démocratie des éléments de leur culture pour insuffler stabilité, continuité et même une âme, notamment pour ne pas priver les peuples africains d'hommes exceptionnels et charismatiques forgés par l'histoire et une longue et fructueuse expérience (tous les pays occidentaux ont également des bâtisseurs exceptionnels et charismatiques de l'Etat moderne et démocratique).
Il s'agit également de mettre les peuples à l'abri d'usurpateurs, qui, aidés par des puissances d'argent et à la solde d'intérêts étrangers, réaliseraient de véritables " hold up " sur les pouvoirs politiques africains, au détriment des acteurs politiques locaux susceptibles de revendiquer une expérience et une connaissance intime de leur peuple, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité. En conséquence, la limitation par la constitution du renouvellement du mandat présidentiel ne saurait se justifier, étant entendu qu'il revient au peuple souverain de renouveler ou non sa confiance au Président du Faso… " Certains reconnaîtront là un air déjà entendu en 1997, lorsque l'ODP/MT avait engagé la première révision de l'article 37, à deux ans de la fin du premier septennat de Blaise Compaoré. Comme aujourd'hui, il s'agissait de faire sauter la limitation du mandat, voulue par le constituant de 1991. A l'époque déjà, Blaise était présenté comme l'homme exceptionnel, béni des dieux, qu'il fallait protéger contre des aventuriers de tous acabits.
Le bilan du candidat Blaise
Celui-ci a été analysé sous six axes qui vont de la valorisation du capital humain, l'élargissement des opportunités de création des richesses, la modernisation des infrastructures économiques et des services, en passant par le raffermissement de la gouvernance, la promotion de la culture, des arts et du sport et le rayonnement international du Burkina. Le bilan établi dans les différents secteurs passés en revue a été jugé satisfaisant en dépit de la rareté des ressources. Le satisfecit a été décerné sur la base d'une compilation de statistiques portant sur des réalisations physiques dans les différents axes énumérés.
Il y a cependant un bémol qui vaut son pesant de poids qui mérite interrogations. Au chapitre des difficultés et contraintes, on note :" la faible appropriation du programme au niveau sectoriel, la priorisation et la hiérarchisation insuffisante des engagements, l'absence d'une planification physique du programme, ". Comment est-il possible, malgré des insuffisances somme toutes majeures, on peut quand même établir un bilan positif. Certes, dans les différents axes examinés, l'on a procédé à un empilement de réalisations, mais ce saupoudrage est totalement inapte à rendre compte d'avancées réelles. L'exemple du secteur de l'éducation montre bien que l'accroissement du nombre de classes ne rend compte ni de la qualité de l'enseignement ni de son efficacité interne et externe. Tous les observateurs avisés sont d'avis que notre système éducatif repose sur de mauvaises bases.
Le problème n'est pas tant d'atteindre l'objectif de l'école pour tous conformément à la recommandation adoptée à Jomtien, mais de produire un système éducatif adapté à nos besoins. Sous ce rapport, l'évaluation des congressistes connaît des faiblesses stratégiques. Même chose dans l'agriculture où l'aide massive déversée dans ce secteur depuis l'indépendance n'en a pas fait un secteur émergent. Idem dans le secteur de la santé où l'orientation de la politique sanitaire ne prend pas suffisamment en compte les capacités endogènes.
Difficile dans ces conditions de réaliser des performances significatives au regard de la faiblesse des moyens de l'Etat. Les congressistes qui n'ont pas été conviés pour discuter des problèmes de fond du développement du pays se sont contentés d'adouber leur candidat en acclamant les différentes propositions de la direction politique.
Des propositions sur le renforcement du parlement
De toute évidence, le CDP n'a aucune prise sur la politique gouvernementale. C'est un grand machin de mobilisation et de propagande. Manifestement, il aspire aujourd'hui à jouer un autre rôle. C'est le sens de certaines réformes qui visent à lui donner les moyens d'un contrôle efficace sur l'exécutif, à travers le parlement. Ainsi, les dispositions concernant la Déclaration de Politique Générale, le discours sur l'Etat de la Nation ou l'ordre du jour du parlement ont enregistré des propositions de modifications. Sur les deux premiers points, les prestations du Premier ministre devraient désormais donner lieu à discussions et vote.
Ainsi, ce vote aura pour conséquence le maintien ou non du premier ministre à son poste. Mais avec l'état d'esprit actuel au CDP, il y a des doutes à se faire sur l'opérationnalité de ces réformes qui ont plutôt vocation à rester lettre morte. Quand à l'ordre du jour du parlement qui était une prérogative de l'exécutif, la proposition de réforme confère cette compétence à la conférence des présidents. Toutefois l'inscription d'un projet ou d'une proposition de loi ou encore d'une déclaration de politique générale restera de droit si le président du Faso ou le Premier ministre venait à en faire la demande.
Le débat sur la CNIB
Il y a manifestement un cafouillage dans le casting des partis et groupes qui soutiennent la candidature de Blaise Compaoré. La FEDAP/BC qui tient à prendre une longueur d'avance sur le CDP avait lancé son thème de campagne sur la possibilité d'utiliser d'autres pièces de votation comme le bulletin d'acte de naissance. Suite à cette campagne, le premier ministre est monté le premier au créneau pour confirmer le maintien de la seule CNIB. Roch vient de lui emboiter le pas de la manière la plus fracassante.
Le seul défi, a-t-il laissé entendre à l'ouverture du congrès, c'est de faire en sorte que chaque Burkinabè inscrit sur la liste électorale puisse disposer de sa carte d'identité nationale et sa carte d'électeur. Le ton catégorique du président du CDP a quelque peu surpris si l'on sait que des structures de base de son parti émanent les mêmes inquiétudes relayées par la FEDAP/BC. Il nous revient qu'à chaque fois que les ministres concernés sont interpellés par la direction du CDP, ces derniers apparaissent plutôt rassurants. Il y avait donc un malaise. La démarche tranchée de Roch apparaît plutôt comme un cinglant désaveu de la FEDAP/BC.
Faut-il y voir un épisode de plus dans la guéguerre politicienne de positionnement entre ces deux organisations concurrentes ? Certes, par sa fermeté, le président du CDP rassure ceux qui soupçonnent le parti gouvernemental de préparer la fraude. Mais il n'est pas certain que l'opinion publique générale approuve, tant les difficultés sont réelles sur le terrain. Faute d'amélioration de la situation sur le terrain, la bataille de l'image pourrait être perdue par le CDP au profit de la FEDAP/BC. Pour l'heure, ce que l'on retiendra le plus du congrès, c'est ce blanc seing délivré par le CDP pour la modification de l'article 37. Aucune objection des militants du parti sur la question, à l'exception, semble-t-il, de Juliette Bonkoungou qui s'est engagée dans une diatribe qualifiée par certains de haut vol avec Roch Marc Christian sur l'opportunité de trancher la question à ce congrès.
Partisane d'une solution de large consensus, elle aurait préféré le rejet du débat à une instance ad hoc. Le silence observé par les congressistes sur cette " passe d'armes " est symptomatique de la grande gêne qui entoure la question. Achille Tapsoba à qui il est revenu de présenter la synthèse des travaux du congrès a déclaré non sans un certain cynisme que le CDP s'engage à respecter scrupuleusement les voies de la révision instaurées par la constitution !
La bataille des pièces de votation n'a pas eu lieu !
C'est tranché, les burkinabè voteront avec la carte d'identité nationale. La FEDAP/BC qui avait commencé le ramdam a perdu sa rentrée dans la campagne électorale de la présidentielle. Or les choses, semble-t-il, avait bien commencé pour elle, puisque Assimi Kouanda, le directeur de campagne finalement retenu, était considéré comme son choix.
La vigoureuse campagne de la FEDAP/BC pour la votation avec les actes de naissance a été donc stoppée nette. Il a suffi de deux interventions sèches, quelques peu agacées, du Premier ministre et du président de la CENI, pour tout arrêter. Pour une organisation de la " société civile " de l'envergure de la FEDAP/BC qui regroupe toutes les grosses fortunes et toutes les têtes couronnées du pays, ça ressemble à un désaveu à un moment crucial d'un processus dans lequel elle comptait démontrer sa proximité avec son mentor. Si la campagne présidentielle de 2005 a été celle du CDP, à travers Salif Diallo, les partisans de la FEDAP/BC ont cru leur heure venue avec cette présidentielle.
Blaise Compaoré, pour ne rien devoir au CDP, avait bien pris le soin d'annoncer sa candidature, sans même faire allusion à son parti. La FEDAP/BC, même de la société civile, se trouve dès lors en posture de revendiquer un parrainage de cette candidature faite sous aucune obédience. Le camouflet qu'elle vient de prendre à l'entame de la campagne montre bien le peu de sérieux de ses animateurs. A tout le moins, le manque de maturité politique, même s'ils se défendent de la faire, dans une matière aussi cruciale. Le vote, ce n'est pas seulement le plébiscite, mais aussi le processus qui y conduit.
Les animateurs de la FEDAP/BC n'ont pas pris en compte les exigences de la posture internationale de leur mentor. Un grand " facilitateur " ne se fait pas élire avec " acte de naissance ", surtout quand il peut gagner avec un score à "hauteur d'homme", entendre score soviétique, avec carte nationale d'identité.
Peu d'inscrits, mais des inscrits acquis
Les deux opérations de recensement des électeurs en mars et avril dernier n'ont pas connu un réel succès. Le nombre d'électeurs est finalement resté à son niveau de 2005. Il n'y a pas de nouveaux électeurs, mais le stock d'anciens électeurs est bien resté, puisque ce sont les militants CDP qui ont travaillé aux inscriptions. Avec le fichier actuel, les électeurs nécessaires à la réalisation d'un score de 90% sont réunis. La question de la faiblesse des votants, donc de la légitimité réelle de l'élu, qui semblait être la préoccupation de la FEDAP/BC, ne se posera pas de toute façon, puisque ce que l'on retient dans une élection, c'est le taux de participants au vote.
Moins il y a d'inscrits, plus il peut être élevé et le score réalisé par le candidat vainqueur. Dans la situation actuelle, le calcul est vite et facile à faire. Le corps électoral après les croissements des fichiers pourrait se situer autour de 2,5 millions d'électeurs. Dans la configuration actuelle, les scores sont presque connus d'avance : environ 90% pour Blaise Compaoré, son poursuivant immédiat environ 5% et la dizaine de candidats restants se partageront les 5% des voix restantes. L'élection présidentielle au Burkina Faso, sous le soleil de Blaise Compaoré, se gagne au premier tour.

Newton Ahmed Barry
Par Germain Bitiou Nama
© Copyright L'Evénement

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire