lundi 9 août 2010

Burkina Faso, Guinée, Sénégal - Guinée: Pour qui roule Blaise Campaoré et Abdoulaye Wade?

(Les Afriques 09/08/2010)
Conakry vit depuis cinq jours au rythme d’un intense chassé croisé diplomatique. Les chefs d’Etat burkinabé et sénégalais, Blaise Campaoré et Abdoulaye Wade, y ont séjourné en tirant chacun les ficelles d’un jeu politique à plusieurs zones d’ombre. Enjeux.
Malgré d’intenses tractations, la date du second tour des élections guinéennes n’est toujours pas fixée. La cause viendrait des divergences entre le premier ministre, Jean Marie Doré, peu pressé de rendre le tablier, le Conseil national de Transition, à la solde de quelques faucons du palais et une Commission électorale nationale indépendante (CENI), incapable de fixer le budget nécessaire à la tenue des présidentielles correctes. L’affaire agace les électeurs guinéens appelés à départager les deux candidats restés dans la course : Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Si la situation se prolonge, l’image du président par intérim, Sékouba Konaté, jusque-là intacte pourrait en souffrir. Cela d’autant que, Rabiatou Serah Diallo, présidente du Conseil national de Transition passe aux yeux de quelques commentateurs de la vie politique guinéenne comme une forte personnalité toutefois sans poids face aux caciques du Palais qui n’attendraient qu’un prétexte pour agir. C’est dans ce climat de soupçon que Conakry a accueilli tour à tour Blaise Compaoré et Abdoulaye Wade. Le premier, en médiateur de la crise guinéenne, parrain des accords de Ouagadougou et hôte du président déchu Dadis Camara, est arrivé mardi dernier, exhortant l’ensemble des acteurs à aller vite au second tour. Présenté à tort à raison comme un des mentors potentiels de l’opposant historique, Alpha Condé dans cette course présidentielle, le chef de l’Etat burkinabé a multiplié ses contacts téléphoniques avec les acteurs politiques du pays l’entre deux tours . Sa forte proximité avec le général Sékouba Konaté a été mise en évidence lors de cette visite. Quant au Président Abdoulaye Wade, allié des premières heures de la junte militaire alors sous la botte de Dadis Camara, il est arrivé 48 heures après (vendredi 6 août) sur les traces de son homologue Burkinabé. Le président sénégalais a reçu durant son séjour à la résidence Bellevue de Conakry les dignitaires politiques et la haute administration militaire du pays. Pour les observateurs, il y avait là une volonté manifeste de reprendre en main le dossier de la crise guinéenne qui embarrasse Dakar depuis les événements tragiques du 28 décembre 2009. Dans l’entourage officiel de Wade, l’on estime que cette visite est loin d’être une opération destinée à ravir la vedette au Burkinabé, Blaise Campaoré. Abdoulaye Wade est venu à la source pour seulement s’imprégner du dossier, dit-on. Mais, «les canaux de renseignement sur lesquels il s’appuyait pour gérer la situation interne ont été désastreux » confie –t-on à Les Afriques.
Le chef de l’Etat sénégalais qui souffle le chaud et le froid depuis le début de la présidentielle guinéenne, garderait un penchant pour le candidat Cellou Dalein Diallo, qu’il considère comme un « frangin poli, racé et mieux affranchi ». L’autre challenger en lice, Alpha Condé- en dépit d’une amitié politique qui remonte à des décennies et bâtie autour d’une trajectoire douloureuse qu’ils ont en commun - reste pour lui un « dur à cuir » qu’il ménage sans trop étreindre.
Au-delà des ses accointances avec les deux candidats, le président Wade serait très lié au richissime homme d’affaires peulh, Diallo Sadakadji, considéré comme le bras financier de l’UFDG (parti du candidat Cellou Dalein). Ce dernier aurait investi au Sénégal dans plusieurs domaines d’activités depuis quelques années.
18 millions d’Euros attendus
Alors que les caisses de l’Etat sont vides, l’argent du second tour présidentiel est au cœur du débat politique à Conakry. Malgré les promesses de financement de la communauté des bailleurs pour le second tour (près de 18 millions d’Euros, la moitié des engagements lors du premier tour) qui tardent à se mettre en place toujours, le premier ministre de la transition, Jean Marie Doré joue les prolongations. « Nous n’irons pas aux élections, tant que tout ne serait pas prêt. C’est la crédibilité du gouvernement, garant des accords de Ouagadougou qui est en jeu » a t-il clamé. Une position qu’il ne partage pas avec le leader Cellou Dalein Diallo qui a estimé mercredi dernier que le second tour de la présidentielle devrait se tenir à date échue. Son adversaire, Alpha Condé déclare que la convocation d’une date officielle du prochain scrutin est assujettie à une parfaite correction des dysfonctionnements constatés le 27 juin dernier.

Par Ismaël Aidara, Envoyé spécial à Conakry
09-08-2010
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